Quiet Quitting : comment le prévenir et le réduire dans votre entreprise ?
Le phénomène massif du quiet quitting fait froid dans le dos et inquiète les employeurs qui se sentent totalement impuissants. Face à cette nouvelle relation au travail pleine de désillusion, comment lutter contre cette épidémie de désengagements et retenir des salariés qui baissent les bras en sourdine ?
Popularisé sur TikTok en 2022, le quiet quitting n’est pas seulement une tendance qui fait le buzz sur les réseaux sociaux. La démission silencieuse fait aussi beaucoup de bruit et de dégât dans le monde du travail.
Même si les salariés qui font le minimum syndical ont toujours existé, c’est l’adoption massive de cette rébellion passive qui fait trembler les employeurs.
Les chiffres sur le quiet quitting
Une étude publiée par LiveCareer « Making noise for quiet quitting 2023 » est très révélatrice de l’ampleur du phénomène qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne concerne pas uniquement la Génération Z ou les millennials. En réalité, elle touche aussi bien les hommes que les femmes, toutes les catégories sociales, les niveaux d’éducation ou les métiers.
Le profil des quiet quitters
- 94% des salariés interrogés estiment être des quiet quitters
- 88% cachent leur quiet quitting
- 87% estiment qu’il n’y a rien de mal à faire le minimum au travail
- 78% rejettent la « hustle culture » c’est-à-dire la glorification de l’hyper productivité
- 81% estiment que la poursuite constante d’une promotion ruine leur qualité de vie
- 99% des quiet quitters travaillent dans la finance et le commerce
- 86% ont plus de 41 ans (80% ont moins de 25 ans)
Le quiet quitting pour ces salariés, c’est :
- Fixer des limites nécessaires
- Arrêter de travailler
- Faire seulement le minimum requis
- Prioriser la vie personnelle à la vie professionnelle
- Refuser les tâches supplémentaires
Les priorités des quiet quitters
- La santé mentale est plus importante que le travail : 94%
- La santé physique est plus importante que le travail : 91%
- La famille est plus importante que le travail : 91%
- Les amis sont plus importants que le travail : 82%
- Les loisirs sont plus importants que le travail : 70%
Quiet quitting au travail : à qui la faute ?
Si faire le minimum au travail a toujours existé, la démission silencieuse est devenue un phénomène massif et mondial. Aujourd’hui, le taux d’engagement des salariés français est seulement de 6% indique le rapport publié par Gallup. Pourquoi ?
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Les effets secondaires post-pandémie
Pour de nombreux salariés, les suites de la crise sanitaire se font encore sentir. On ne parle pas ici des symptômes d’un Covid long mais plutôt d’un climat anxiogène récurrent.
En effet, après avoir vécu une situation traumatique et un confinement forcé, les salariés n’ont eu aucun répit et subissent depuis un quotidien ponctué de conflits internationaux, d’une inflation étouffante, des menaces terroristes etc. La recette parfaite pour cultiver un épuisement massif, une santé mentale fragilisée et un mal-être profond. Selon l’OMS, les cas de dépression et d’anxiété ont bondi de 25% suite à la pandémie.
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La rupture du lien de confiance
La crise sanitaire a eu aussi pour effet de provoquer une crise de foi envers le travail. Face à la menace d’une pandémie mondiale, les priorités des salariés ont changé : le travail n’est plus au centre de leur vie et pour certains, le lien quasi paternaliste entre employé et patron semble être rompu.
Pire, les salariés de plus en plus conscients des enjeux autour de l’environnement ou des inégalités salariales ne tolèrent plus le double discours de certaines entreprises qui serrent les budgets mais récompensent leur PDG et les actionnaires.
Une étude d’Oxfam indique que Carlos Tavares, PDG de Stellantis, avec ses 66 millions d’euros de salaire, a gagné en 2021 en 3h22 l’équivalent du salaire annuel moyen de son entreprise. Si tous les patrons d’entreprise ne perçoivent pas ce salaire, ces écarts stratosphériques cristallisent une forme de colère même chez les salariés les plus modérés qui se battent pour être augmentés de 100€ par mois…
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La mauvais gestion du télétravail
La pandémie (encore elle) a eu pour effet de démocratiser le télétravail. Le souci, c’est que son déploiement massif a été géré dans l’urgence donc maladroitement. Résultat, le télétravail a été vécu dans la douleur par des salariés malmenés par de nombreux excès, une organisation chaotique, des réunions interminables et des horaires à rallonge.
Un scénario catastrophe qui n’a fait que réduire la frontière ténue entre le travail et la maison et déclencher chez certains un ras-le-bol général voire un burn-out.
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Un management inadapté
La Harvard Business Review pointe aussi la responsabilité des managers dans la généralisation du quiet quitting. Les études menées montrent que les managers les moins efficaces rassemblent 14% de quiet quitters et seulement 20% de salariés disposés à travailler plus.
En revanche, les managers capables de combiner résultat et relationnel totalisent 62% de collaborateurs désireux de faire des efforts et seulement 3% de démissionnaires silencieux. Le care management est donc un levier indispensable pour prévenir le quiet quitting des salariés qui se sentent sous-estimés ou dénigrés.
Comment prévenir le quiet quitting ?
Malgré ce constat, il existe des leviers pour anticiper et éviter le désengagement de vos collaborateurs.
1. Identifier les signes avant coureurs
Avant toute chose, il est important de pouvoir reconnaître les symptômes du quiet quitting. Il se manifestera évidemment différemment selon les personnalités mais certains comportements récurrents pourraient vous mettre la puce à l’oreille comme :
- Des remarques négatives ou cyniques
- Des plaintes répétitives ou une indifférence marquée
- Un manque d’initiative
- Une augmentation de l’absentéisme ou des arrêts maladie
- Des refus de faire des heures supplémentaires
- Des deadlines manqués et un déclin général dans la qualité du travail
- Un manque de prise de paroles pendant les réunions
- Des absences lors des activités de team building
2. Etre honnête dès le recrutement
Pour éviter les rancœurs qui s’accumulent, il faut commencer cette prévention dès l’entretien d’embauche. En effet, beaucoup de salariés voient leur poste évoluer en dehors de la description initiale, ce qui est normal dans le contexte actuel.
L’entreprise a tout à gagner en optant pour la franchise. Lors du recrutement, il est important d’être ouvert sur les évolutions possibles du poste et de vos attentes à ce sujet. Il faut vous assurer que le candidat soit sur la même longueur d’onde. Sinon, à cause de ce malentendu, il aura le sentiment, au fil des mois, qu’on lui a menti.
3. Analyser votre culture managériale
Plus d’un tiers des salariés quittent leur job à cause de leur manager ou de leurs collègues. Et ceux qui ne peuvent pas se le permettre optent sans doute pour le quiet quitting.
Si c’est le cas dans votre entreprise, il est peut être temps de faire un état des lieux du management et de vous poser les bonnes questions pour faire évoluer les choses
- Etes-vous adepte du micro management ?
- Savez-vous guider vos collaborateurs quand il le faut ?
- Communiquez-vous de manière ouverte sur les objectifs de l’entreprise ?
- Cultivez-vous une atmosphère de confiance ?
- Savez-vous partager un feedback constructif ?
- Pensez-vous être clair dans vos demandes ?
- Montrez-vous à vos collaborateurs que vous appréciez leur travail ?
4. Instaurer la confiance
Pour lutter efficacement contre le quiet quitting, ne sous-estimez jamais le pouvoir de la confiance. Quand vous confiez un mission à un collaborateur – et s’il dispose de tous les éléments et éléments nécessaires – laissez-le tranquille. Un salarié autonome qui n’est pas infantilisé ou surveillé se sentira pousser des ailes.
A ce sujet, les experts de la Harvard Business Review ont recueilli des données auprès de 113 000 managers qui arrivent à la même conclusion : la confiance est la posture la plus efficace pour obtenir des résultats probants.
En retour, les salariés qui font confiance à leur manager pensent que celui-ci se préoccupe de leur bien-être. Renouer un lien de confiance n’a jamais été aussi crucial.
5. Etre attentif à la (sur)charge de travail
Les projets qui s’accumulent, les départs qui ne sont pas remplacées, les budgets qui rétrécissent peuvent pousser les managers à noyer les salariés sous dossiers et missions en plus de leurs tâches quotidiennes.
Si c’est une marque de confiance envers leurs compétences, il faut malgré tout faire attention à ne pas les surcharger constamment. Sous la pression, ils peuvent se sentir exploités, s’épuiser et baisser les bras.
6. Revoir votre politique salariale
On l’a dit plus haut, la rémunération équitable est un point saillant pour les collaborateurs. S’ils sont tout à fait conscients qu’ils ne peuvent pas gagner autant que leur patron, l’entreprise doit être particulièrement vigilante quand elle examine sa politique salariale surtout dans un climat économique tendu.
S’assurer d’une totale équité entre hommes et femmes, compenser le salarié s’il travaille plus, augmenter les salaires quand l’entreprise engrange des profits, ce n’est pas seulement une somme sur le bulletin de salaire, c’est une marque de respect.
7. Reconnaître vos collaborateurs
Si une rémunération juste est un signe de reconnaissance, l’entreprise a d’autres cordes à son arc pour signifier son appréciation.
Elle peut déjà commencer par remercier la personne de vive voix, elle peut également envisager de la promouvoir ou de lui proposer une formation pour développer ses acquis.
Elle peut également l’envoyer participer à une conférence, lui donner des jours de congé supplémentaires ou encore lui proposer des avantages en nature comme une voiture de fonction ou un téléphone professionnel.
8. Cultiver l’écoute
Si la mission de l’entreprise est de développer son activité, elle doit aussi savoir manager l’humain. Pour tirer le meilleur d’un collaborateur, elle peut se servir d’un levier puissant : l’empathie au travail.
Un manager attentif, ouvert, conscient de problèmes et doté d’une véritable volonté d’agir. Comprendre que son salarié traverse une période difficile, être capable de lui proposer des horaires flexibles est un excellent moyen d’agir contre le quiet quitting.
9. Respecter la loi
On l’a vu, les salariés ont plus que jamais besoin de séparer le professionnel et le personnel.
Une des façons très simple d’empêcher le quiet quitting en France est de prendre des mesures concrètes pour préserver leur bien-être car nous sommes l’un des rares pays où la déconnexion est un droit. Pour éviter le désengagement, il est crucial de respecter le droit de vos salariés à ne pas répondre à des mails ou des appels professionnels en dehors de leurs heures de travail.
10. Réduire les réunions
La réunionite est une plaie surtout quand la plupart sont inutiles, mal organisées et interminables. Atlassian a publié des données intéressantes à ce sujet :
- Les salariés assistent en moyenne à 62 réunions par mois
- 50% moitié estime que c’est une perte de temps
- C’e serait un gaspillage de 31 heures par mois
- 91% des participants rêvassent pendant les réunions
- 73% font autre chose
Bref, si vous devez vraiment organiser une réunion, assurez-vous d’inviter les bonnes personnes, de l’organiser en amont et de la limiter à 30 minutes.
Mettre en place de nouvelles pratiques pour assurer l’avenir de l’entreprise
Développer la croissance d’une activité ne s’appuie pas uniquement sur la qualité de ses produits ou de la relation client. Elle dépend aussi des hommes et des femmes qui font l’entreprise et de leur bien-être en son sein.
La mission des managers et des RH est donc capitale et exige une innovation constante. Pour vous accompagner, nous avons rassemblé les conseils précieux d’experts dans un guide sur l’innovation managériale. Un outil indispensable à télécharger gratuitement.
De Nathalie Dépret