Fédérer une équipe à distance : quid du sentiment d’appartenance ?

Fédérer une équipe à distance : quid du sentiment d’appartenance ?

Pour nourrir un sentiment d’appartenance, les collaborateurs doivent pouvoir s’identifier à un collectif. À distance, fédérer une équipe demande à l’entreprise et au management de redoubler d’effort et d’attention.

En France, les salariés télétravaillent en moyenne 2,4 jours par semaine[1]. Dans ce contexte, comment fédérer une équipe ? L’enjeu est certain car lorsque les possibilités d’interagir physiquement se réduisent, le sentiment d’appartenance peut s’effriter, la cohésion d’équipe en pâtir, la performance, aussi.

D’abord, arrêtons-nous un peu sur le mot « appartenance », qui vient du latin pertinere : tendre, s’étendre jusqu’à (la même racine que « pertinent » : qui se rapporte à).

Au XVIIe siècle, sa définition renvoie à l’idée de connexité et de dépendance (les dépendances d’un bien foncier par exemple). L’appartenance désigne aussi tout ce qui compose le harnais d’un cheval de selle.

De nos jours, le mot parle d’adhésion, d’affiliation et même d’allégeance. Avec cette notion, il est donc question, entre autres, de possession, d’attache, de relation, de loyauté.

Fédérer une équipe : les bénéfices du sentiment d’appartenance au travail

« Indicateur d’un niveau d’attachement, de loyauté, ou d’un désengagement », comme l’explique Marc Traverson, coach professionnel chez Acteüs, le sentiment d’appartenance est également un besoin humain, comme les travaux de Maslow l’ont montré.

En le développant, l’entreprise répond à un besoin des salariés et à ses propres besoins. Des collaborateurs qui éprouvent ce sentiment sont en effet rassurants pour l’employeur. Ce dernier peut se dire qu’ils vont rester, s’investir, qu’ils vont être efficaces, performants, renforcer leur motivation, en télétravail aussi…

Le rôle du management pour développer une fierté d’appartenance

Le sentiment d’appartenance s’apprécie individuellement et collectivement. « On peut être fier de son entreprise, pour ses valeurs, ses engagements et ses actions sociétales par exemple, indépendamment de l’esprit de solidarité, qui peut être contestable au sein même d’une équipe. Le management a un rôle primordial à jouer pour développer ce sentiment », rappelle Frédéric Faye, DRH du groupe Apicil.

L’encadrement doit faire en sorte que les collaborateurs se sentent partie prenante d’un projet. Le projet de l’entreprise, le niveau d’équité en son sein, la façon dont les salariés sont traités, les relations avec le management et les collègues y participent.

« Plus que « mieux-disante », l’entreprise doit être « mieux-agissante », éthiquement à la hauteur », poursuit Marc Traverson. C’est d’autant plus nécessaire quand les collaborateurs travaillent à distance, occasion de prendre du recul sur les pratiques de leur employeur.

Ce sentiment étant très personnel, chacun ayant ses propres critères, « il faut être vigilant sur la compréhension que l’on peut avoir d’une population, de situations personnelles qui peuvent être très contrastées, il faut moduler ses réponses et vérifier qu’elles sont adaptées individuellement », prévient Laurent Termignon, directeur de l’activité Work & Rewards chez WTW.

« À distance, le manageur peut avoir un sentiment de perte de contrôle. Créer du collectif dans ce cadre est le point d’entrée pour développer un sentiment d’appartenance », note Marc Traverson.

Proposer des rituels Teams ou Zoom, par exemple pour célébrer des réussites, peut fonctionner pour renforcer l’esprit collectif mais un travail sur les postures managériales est nécessaire.

Pour les faire évoluer et ainsi, mieux manager à distance, le groupe Apicil a créé un référentiel de compétences managériales : « 7 à nous ». Il totalise 21 soft skills (3 compétences associées à 7 missions essentielles du manageur) qui sont déclinées en plans d’action et d’accompagnement des collaborateurs. L’écoute active, la disponibilité, la facilitation par exemple.

Fédérer une équipe à distance en améliorant l’expérience collaborateur

Pour Laurent Termignon, l’expérience collaborateur est la clé de voûte du sentiment d’appartenance. L’entreprise peut l’améliorer en agissant à plusieurs niveaux :

1. Entretenir des relations de qualité

Le distanciel demande de travailler le lien régulièrement. « Quand il est de bonne qualité, les gens se sentent bien, c’est l’affectio societatis[2] », rappelle Marc Traverson.

« Il s’agit de créer une nouvelle relation avec les collaborateurs, basée sur la confiance », souligne Delphine Douetteau, responsable des talents et du développement chez ADP.

L’authenticité, la transparence, la sincérité des managers, leur capacité à déléguer et donc à développer de la subsidiarité[3] font partie des comportements et valeurs propices aux relations de qualité. Sans oublier l’empathie, indispensable quand il s’agit de porter une attention individualisée à chaque équipier.

« On nourrit un sentiment d’appartenance quand on gagne en connaissance des uns et des autres, de leur métier, de leur façon de travailler », ajoute notre coach.

En s’appuyant sur l’approche managériale StandOut, créée par le chercheur Marcus Buckingham, ADP aide ses manageurs à identifier les points forts des collaborateurs (ce qu’ils savent faire et ce qu’ils aiment faire), afin de mieux les connaître.
La symétrie des attentions[4] génère également des relations de qualité. C’est un fil conducteur chez Apicil qui vise l’alignement de sa promesse faite au client et de sa promesse employeur.

2. Communiquer sur la vocation de l’entreprise et favoriser l’expression des salariés

Expliquer les missions de l’entreprise, sa raison d’être, permet aussi de fédérer une équipe. À partir de phrases qui parlent aux salariés, idéalement élaborées avec eux, il s’agit de communiquer sur les priorités de l’entreprise et de l’équipe.

Communiquer régulièrement est indispensable car « rien de pire que la « grande messe » annuelle suivie d’un silence radio le reste de l’année », prévient Laurent Termignon. Marketer des dispositifs expérimentaux qui ne reflètent pas la réalité de l’entreprise est tout aussi contre-indiqué.

Apicil non seulement communique sur ses missions et ses engagements RSE mais encore, cherche à les incarner.

« Nous voulons refléter la société d’aujourd’hui et pour ce faire, nous donnons à chacun de nos collaborateurs la possibilité d’être soi-même et la liberté de s’exprimer », explique Frédéric Faye. Au sein du groupe où 80% des 2 200 salariés télétravaillent actuellement jusqu’à trois jours par semaine (1,9 jours en moyenne), le score de la fierté d’appartenance atteint 90%.

3. Améliorer le travail quotidien

À distance, trois aspects du travail sont très différents. Il s’agit d’en tenir compte pour fédérer une équipe.

  • Le manageur doit se discipliner pour prendre le pouls de chaque collaborateur au-delà des points d’équipe classiques, sinon, il risque de passer à côté de situations individuelles spécifiques.
  • Le management distanciel demande d’apprendre à faire confiance, d’accepter une liberté d’organisation et de changer la façon de mesurer la contribution des équipiers.
  • Manager à distance suppose aussi de clarifier davantage les objectifs et les tâches. Donner un maximum de feedback est indispensable. Organiser plusieurs sondages dans l’année permet d’identifier les points à améliorer.

Chez ADP, où 100% des collaborateurs alternent trois jours au bureau et deux jours de télétravail, des rendez-vous hebdomadaires sont ritualisés qui permettent des ajustements. Le vendredi, ou un autre jour si besoin, les collaborateurs répondent à un questionnaire en ligne. Et le lundi, le manageur s’entretient avec chacun sur cette base. « Ces entretiens sont brefs car récurrents. Grâce à cette régularité, l’engagement des collaborateurs augmente », observe Delphine Douetteau.

4. Rémunérer de plusieurs façons

Un sentiment d’appartenance peut d’autant mieux se développer quand on est soutenu matériellement et psychologiquement. Au-delà du salaire, l’entreprise peut donc proposer une rémunération non financière. Ainsi, « clarifier les parcours dans l’entreprise, montrer aux collaborateurs les moyens de développer leurs compétences, investir dans des dispositifs de bien-être au travail sont d’autres façons de rémunérer », explique Laurent Termignon.

Mais revenons tout de même à l’aspect financier de la question. Car ce qui donne à un salarié l’impression d’être bien traité, qu’il soit au bureau ou en télétravail, c’est d’être intéressé à ce que produit l’entreprise : de l’argent.

« Si l’entreprise veut développer un sentiment d’appartenance, il est fondamental qu’elle développe un intéressement : puisque l’entreprise m’appartient, je me sens concerné par son devenir et m’investis d’autant mieux », conclut Marc Traverson.

Management à distance et sentiment d’appartenance : pour aller plus loin

Afin d’aller plus loin dans votre démarche, téléchargez gratuitement notre guide dédié à l’innovation managériale. Entre prises de paroles de professionnels et conseils pratiques, ce livre blanc vous donnera des pistes de réflexion quant au type de management que vous souhaitez instaurer dans votre organisation.

Sophie Girardeau

[1] Source Baromètre télétravail 2022 du Comptoir de la nouvelle entreprise de Malakoff Humanis.

[2] Désigne la volonté commune de s’associer, ce qui permet de faire société.

[3] En résumé, la subsidiarité est un principe inspiré de la pensée de Saint-Augustin selon laquelle ceux qui savent sont ceux qui font.

[4] Concept selon lequel la qualité de la relation qu’une entreprise entretient avec ses clients doit être la même que celle qu’elle entretient avec ses collaborateurs et ses candidats.