Travail au noir : un employeur averti en vaut deux

Travail au noir : un employeur averti en vaut deux

Travail au noir, ou « au black », travail dissimulé ou non déclaré : ces appellations désignent toutes du travail illégal. De ses différentes formes aux risques encourus par les employeurs, osons parler d’un sujet qui fâche.

Le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi publié en février 2019 indiquait que le travail au noir concerne environ 2,5 millions de personnes en France, c’est-à-dire « autour de 5% des personnes de plus de 18 ans », soit « entre 2 et 3% de la masse salariale versée par les entreprises ». Ces chiffres sont des estimations tant l’ampleur du phénomène est difficile à mesurer.

Revenons sur cette pratique à haut risque pour l’employeur, qui n’est pas sans conséquences pour le salarié :

  • Les différentes formes du travail au noir
  • Rappel à la loi et sanctions encourues par les employeurs
  • D’autres risques du travail au noir
  • Comment lutter contre le travail au noir ?

Les différentes formes du travail au noir

Pour éviter de payer des charges sociales sur un salaire, des employeurs ne déclarent pas un salarié aux services administratifs et sociaux, et le payent donc en liquide. C’est la forme la plus connue du travail au noir.

Mais d’autres agissements relèvent du « travail dissimulé », appellation juridique de cette fraude :

  • Ne déclarer un salarié à l’Urssaf qu’à l’issue de sa période d’essai ;
  • Rémunérer une partie des heures supplémentaires sous la forme de primes ;
  • Faire passer du travail non déclaré pour de la sous-traitance…

Le Conseil d’orientation pour l’emploi observe que l’infraction prend des formes diverses allant du « petit travail au noir » (des heures de ménage ou des heures supplémentaires non-déclarées par-ci par-là) à de « véritables stratégies de contournement (montages complexes transnationaux, fraudes aux faux-statuts, etc.) ».

Quant au fait de ne déclarer qu’une partie des heures de travail effectuées par un salarié, dans le cadre d’un contrat de travail dûment signé entre les deux parties, il relève du travail au gris. Selon l’édition 2018 du baromètre Oui Care sur le travail au noir, ce phénomène est en hausse massive dans les services à la personne. À première vue, la nuance pourrait paraître moins risquée, mais pour l’Urssaf, pas de différence : c’est là encore de la fraude sociale caractérisée.

Rappel à la loi et sanctions encourues par les employeurs

Ne pas déclarer un salarié est un délit. Et puisque nul n’est censé ignorer la loi, ouvrons le Code du travail, article L8221-1 et suivants, et commençons par préciser les interdits :

  • Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
  • La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ;
  • Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

L’employeur qui a recours au travail au noir, y compris le particulier dans le cadre des services à la personne, risque une sanction pénale pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende et l’interdiction de gérer une entreprise.

La peine s’alourdit quand il dissimule le travail de plusieurs personnes ou emploie illégalement une personne reconnue vulnérable par la justice : cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende, et en sus évidemment, l’interdiction de gérer une entreprise.

Dans certains cas, le juge peut condamner l’entreprise à payer des jours amendes, chaque jour impayé étant converti en peine de prison de même durée.

Les autres risques du travail au noir

Quand l’administration prend connaissance de l’existence d’un travail au noir, d’autres sanctions tombent.

  • Le remboursement des aides publiques

L’administration peut demander le remboursement, partiel ou total, des aides publiques accordées à l’entreprise s’agissant d’emploi, de formation professionnelle et de culture. Par exemple les aides accordées au titre du contrat d’apprentissage, de professionnalisation ou du contrat unique d’insertion.

  • La fermeture administrative

Quand le travail dissimulé est constaté par un procès-verbal, l’administration peut ordonner la fermeture administrative de l’établissement pendant une durée maximale de trois mois.

  • La publication en ligne, de quoi toucher la réputation de l’employeur

Le décret n° 2015-1327 permet au juge de prononcer également la diffusion de la condamnation de l’entreprise pour travail illégal sur le site du ministère du Travail. Le nom de l’entreprise apparaît alors dans une liste consultable dans une rubrique dédiée du site du Ministère par tout internaute. On y trouve différentes informations sur l’entreprise, comme son adresse et son numéro SIREN ou SIRET.

  • Le risque de complicité avec un sous-traitant

Une entreprise qui sous-traite la réalisation d’une mission doit s’assurer que son partenaire respecte lui-même la législation en matière de déclaration de ses salariés. À partir d’un contrat égal à 5 000 euros hors taxes, elle doit demander une attestation de vigilance à son fournisseur, pour éviter le risque d’être accusée de complicité de travail dissimulé au cas où celui-ci serait poursuivi pour ce délit.

Comment lutter contre le travail au noir ?

Le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi fait quelques propositions en matière de lutte contre le travail au noir :

  • Développer des campagnes de communication axées sur les droits sociaux inhérents au travail déclaré ;
  • Stabiliser dans le temps les politiques d’incitation financière à l’embauche ;
  • Expérimenter une « politique de régularisation » ciblés sur les entreprises à forte probabilité de fraude.

Faciliter les démarches, accompagner les employeurs, les informer sur les dispositifs qui favorisent l’emploi et leurs avantages sont d’autres façons de lutter contre le phénomène.

 

Sophie Girardeau