Comment organiser l’intelligence collective à distance
Organiser l’intelligence collective quand certain·es salarié·es sont en télétravail, d’autres sur site et d’autres encore en activité partielle demande d’abord d’accepter que ses conditions naturelles ne sont pas réunies.
Il y a quelque chose de profondément humain dans l’intelligence collective (IC), une démarche qui s’appuie sur le fait d’être et de faire physiquement ensemble. « Le rappeler permet de relativiser la difficulté à organiser l’intelligence collective à distance ; actuellement, il faut considérer que chacun·e fait de son mieux », souligne Claire Lauzol, associée du cabinet Pragma.
Les outils technologiques au service de l’intelligence collective
Si la frustration est réelle pour les êtres sociaux que nous sommes de ne pouvoir vivre pleinement la démarche, « les technologies numériques peuvent tout à fait se mettre au service de l’intelligence collective », estime notre interlocutrice. Un système technologique fiable, qui tienne compte du travail à distance et de l’activité partielle (autre forme de distance), est fondamental. La base étant d’avoir un outil de visioconférence qui fonctionne (Zoom, Skype, Google Hangouts, Jitsi, Webex…), des outils collaboratifs (Beekast, Klaxoon, SharePoint, Trello…), une connexion de bonne qualité, et de prévoir une mini formation, possiblement ludique, pour les utilisateurs et utilisatrices.
Distanciel, présentiel, activité partielle : intégrer la réalité de chacun·e pour piloter le collectif
Combiner distanciel, présentiel, activité partielle et intelligence collective demande aux managers de tenir compte, dans la gestion du quotidien, des conditions particulières de chaque personne impliquée dans la démarche. Il leur faut « réfléchir à chaque situation et à la façon de trouver le plus grand dénominateur commun à toutes les situations », explique Claire Lauzol. Avoir en tête la diversité des cas de figure permet de penser l’interaction et le temps collectif différemment. Découper le temps d’échange en étapes s’il y a un risque d’interruption est un exemple de bonne pratique.
Modéliser l’intelligence collective à distance
S’appuyer sur l’intelligence collective suppose au préalable de s’interroger sur l’intention que l’on poursuit, et sur ses apports au regard de ce qui était fait avant. « Il faut savoir que l’IC existe dans l’entreprise, elle est intrinsèquement liée à ce qu’est une organisation mais elle est plus ou moins facile à mettre en œuvre », ajoute notre interlocutrice. Dans cette période postconfinement, il s’agit de déterminer les modalités de l’intelligence collective à distance. Tout est à construire, avec les personnes, avec des interactions en petits groupes et en grands groupes, avec des outils numériques et des technologies centrées sur l’humain, par exemple le forum ouvert, la sociocratie ou l’Appreciative Inquiery. « Ces outils, qui peuvent s’adapter partiellement au digital, soutiennent l’intelligence collective car ils permettent des collaborations, des échanges, du coapprentissage », précise-t-elle. Rien ne se décrète en la matière, la démarche et les outils nécessitent d’être formé·e, de préparer le terrain, d’y aller progressivement, par itération, donc des qualités relationnelles et managériales, et de la technique d’animation.
Développer la qualité de la relation à distance
En présentiel, la démarche d’intelligence collective permet aux personnes de se découvrir, de se « renifler », il s’agit d’arriver à reconstruire cela à distance. C’est possible en organisant des temps de conversation centrés sur la découverte de l’autre, de ses forces, de ses talents et motivations, sur le partage d’expériences, et en créant des rituels. « Quand les choses se font à distance, le·la manager doit investir pleinement dans la qualité du lien », rappelle Claire Lauzol.
Inclure tout le monde dans l’élaboration des solutions de demain
Il est déterminant aujourd’hui de faire les choses ensemble plutôt que de façon isolée, il faut donc inclure tout le monde dans l’élaboration des solutions de demain. Dans l’organisation de l’intelligence collective à distance, il est aussi question de relation, d’équité, de continuité, de maintien du lien avec des personnes en télétravail et/ou en activité partielle. Nous vivons un « temps de récolte », c’est-à-dire une période propice à la relecture de ce qui a été vécu pendant et après le confinement pour savoir quelles ressources ont été mobilisées pour s’adapter — des managers ont découvert qu’ils ou elles pouvaient déléguer par exemple. « Il faut utiliser cette manne extraordinaire, et travailler aussi sur ce que l’on veut garder de cette expérience », conclut-elle.
Sophie Girardeau
Publié le 20 juillet 2020.