Transidentité au travail : comment favoriser l’inclusion des personnes non-binaires ?

Transidentité au travail : comment favoriser l’inclusion des personnes non-binaires ?

Les questions de genre dont la transidentité, très présents dans la société, s’invitent logiquement dans le monde du travail. Face aux nombreux préjugés et à des salarié.e.s en souffrance, quelle posture adopter pour recruter une personne non-binaire et favoriser son inclusion dans l’entreprise ? Eléments de réponses avec Elie Toupart, consultant.e en recrutement au sein du cabinet Inspire RH.

Transidentité et non-binarité : l’état des lieux

Quand il s’agit de la question du genre dans le monde du travail, la France a du pain sur la planche. Parue en 2023, une étude de BCG qui porte sur l’inclusion des salarié.e.s transgenres et non-binaires, montre que les entreprises françaises ne sont pas à la hauteur des enjeux. Une inaction qui a des conséquences sur le recrutement des talents et l’engagement des équipes :

  • 58% des collaborateur.ice.s transgenres ou non-binaires (TNB) affirment ne pas avoir postulé dans une entreprise qui semblait ne pas mener de politique d’inclusion efficace
  • 48% des sondé.e.s ont déjà abandonné un processus de recrutement
  • 44% ont déjà refusé une offre d’emploi
  • 40% ont quitté une entreprise
  • 81% déclarent ne pas avoir effectué leur coming-out
  • 43% des salarié.e.s TNB indiquent avoir été victimes de harcèlement et/ou d’agression sexuelle au travail

Au-delà du devoir de protection de l’employeur vis-à-vis de ses salarié.e.s, favoriser l’inclusion des personnes TNB est aussi un atout pour l’entreprise, rapporte l’étude. En effet, au niveau mondial, les employeurs qui s’engagent sur les questions de diversité et d’inclusion ont constaté que :

  • 31% des salarié.e.s se disent épanoui.e.s
  • 25+ se disent plus motivé.e.s
  • 84% des collaborateur.trice.s se sentent valorisé.e.s et respecté.e.s contre 44% des salarié.e.s dont les employeurs ne s’engagent pas
  • 70% se déclarent plus professionnel.le.s et innovant.e.s

10 mesures pour favoriser l’inclusion des personnes non-binaires

La transidentité en entreprise, ce sont donc des salarié.e.s inquiets, cachés, qui évoluent dans des environnements toxiques avec leur flot de remarques déplacées, d’insultes ou de menaces parce qu’iels ne correspondent pas à la norme.

Pour protéger ces personnes et leur permettre de faire leur travail sereinement, le rôle de l’employeur est crucial.

1. Respecter la loi

Qu’il s’agisse de faire passer un entretien d’embauche ou de promouvoir une.e salarié.e, nul n’est censé ignoré la loi sur la discrimination en matière d’embauche mais aussi de formation ou de salaire.

Ainsi, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 modifiée par l’article L1132-1 du Code du travail, stipule qu’un employeur ne peut discriminer une personne en se basant sur certains critères dont l’origine, le sexe, l’identité de genre et bien d’autres encore. Le non-respect de la législation en vigueur peut entraîner pour l’entreprise des sanctions civiles et/ou pénales

2. Comprendre le vocabulaire

Pour beaucoup de recruteurs, la terminologie autour de la question de genre ou de transidentité peut être déroutante et certains mots nécessitent une explication pour éviter toute confusion.

  • Genre

Il faut avant tout comprendre que les questions de genre n’ont rien à voir avec l’orientation sexuelle.

L’Organisation Mondiale de la Santé définit par le genre par « les rôles, comportements, activités, fonctions et chances qu’une société, selon la représentation qu’elle s’en fait, considère comme adéquats pour les hommes et les femmes, les garçons et les filles et les personnes qui n’ont pas une identité binaire. (…) Il ne s’agit pas d’une notion fixe, elle change avec le temps et selon le lieu. Les personnes ou les groupes qui ne se conforment pas aux normes (y compris aux modèles de masculinité et de féminité), aux rôles, aux responsabilités ou aux relations définis d’après le genre sont souvent en butte à la stigmatisation, à des pratiques discriminatoires ou à l’exclusion sociale, qui toutes peuvent nuire à la santé. Le genre a un lien avec le sexe biologique (masculin ou féminin), mais il est distinct de lui. »

  • Gender fluide

La fluidité de genre échappe à la catégorisation binaire de masculin et de féminin. Les personnes gender fluide oscillent plutôt entre les deux genres au fil du temps.

  • Non-binarité

Une personne non-binaire ne se reconnaît pas dans la binarité du genre, elle n’est ni uniquement femme, ni uniquement homme.

  • Cisgenre

Une personne dont l’identité de genre correspond avec le sexe assigné à sa naissance

  • Transidentité

Une personne ne s’identifie pas au genre attribué à la naissance en fonction de ses organes génitaux.

  • Iel

Contraction de « il » et « elle », c’est le pronom utilisé pour parler d’une personne quel que soit son genre.

3. S’éduquer sur le sujet

Méconnue, la transidentité peut faire peur aux employeurs. Comprendre la question du genre est une étape importante pour aborder la question sereinement et limiter les préjugés.

C’est même la base du travail des RH rappelle Elie Toupart : « Tous les recruteurs sont censés être sensibilisés à la non-discrimination dont la non-binarité fait partie. Aujourd’hui, c’est un sujet de plus en plus abordé dont les recruteurs ont forcément entendu parler. Et avec toutes les ressources à notre disposition, on peut parfaitement se former sur le sujet. Et plus on est informé, plus cela devient naturel dans l’entreprise ».

4. Organiser des ateliers de sensibilisation

La sensibilisation sur le genre et la transidentité ne s’arrête pas au service RH. Elle concerne tous les échelons de l’entreprise et il est crucial de former tous les salarié.e.s aux problématiques rencontrées par les personnes TNB. Ces formations peuvent expliquer l’importance d’utiliser le pronom souhaité, aborder les préjugés et reconnaître les situations et/ou comportements nuisibles.

L’idéal est de faire intervenir des personnes non binaires, indique Elie Toupart.

« Pour éduquer toute une entreprise, rien de mieux qu’une personne directement concernée qui vient raconter son expérience, sa vision des choses et ce qui peut être fait. Il est possible de trouver des intervenant.e.s dans des associations LGBTQIA+ comme SOS homophobie par exemple ».

5. Rédiger une offre d’emploi inclusive

Difficile de se débarrasser de ces automatismes appris à l’école où le masculin l’emporte toujours sur le féminin. Mais une offre d’emploi non-genrée constitue d’ores et déjà une preuve d’’inclusivité de l’entreprise.

« En 2024, il y a encore beaucoup trop d’annonces écrites exclusivement au masculin et on ne s’en rend pas compte. Il y a donc un gros travail à faire auprès des entreprises. Pour recruter une personne non-binaire, il est important d’utiliser un langage neutre (ni féminin, ni masculin). Forcément, cela va exiger des recherches et un effort intellectuel parce que cela ne se fait pas naturellement » rassure la.le consultant.e.

6. Choisir un candidat pour ses compétences

Au-delà, d’une volonté de non-discrimination de genre, les personnes non-binaires – comme tous les candidats – veulent avant tout être évaluées en

fonction de leur CV, leurs qualités, leur expérience professionnelle et leur potentiel. Par nécessité, dans un marché en tension, les recruteurs et les entreprises doivent mettre de côté leurs préjugés et se focaliser sur leur objectif : recruter le candidat le plus qualifié pour le poste.

7. Mettre en avant votre politique d’inclusivité

Pour témoigner de l’inclusion d’une entreprise et rassurer des candidat.e.s potentiel.le.s, il ne faut pas hésiter à communiquer sur les initiatives comme l’utilisation de l’écriture inclusive, l’installation de toilettes non-genrées ou la diffusion de témoignages de salariés non-binaires.

« Il s’agit de communiquer la stratégie de l’entreprise en la matière via les réseaux sociaux et internet. »

Et Elie Toupart d’alerter sur les tentations de l’inclusion washing qui consiste à faire du bruit autour de la question sans véritable engagement. « Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est d’en parler de manière trop générale. Si on parle diversité, il faut pouvoir donner des informations concrètes ».

8. Désigner un référent

Quand les entreprises le peuvent, il est important que les personnes non-binaires puissent parler à un.e salarié.e formé.e et sensibilisé.e à ces sujets, capable de les écouter, les prendre au sérieux, savoir que des mesures peuvent être prises. Pour cette population particulièrement victime de comportements discriminatoires ou de harcèlement au travail, le bénéfice est immense.

« La personne référente peut accompagner et soutenir les salariés non-binaires et organiser une médiation en cas de problème. Cela évite aux salariés de se sentir complètement perdus ou ignorés. Et si l’employeur n’est pas à l’aise avec cette notion d’identité de genre, il peut toujours s’appuyer sur le.la référent.e sur les discriminations en général, formée pour aborder aussi bien la couleur de peau que les sujets de transidentité ».

9. Soigner le pré-onboarding

« Il ne s’agit pas de mettre en place des processus d’intégration particuliers en fonction des personnes, ce serait contre productif. Si la personne se revendique comme non-binaire lors de son recrutement, le travail peut être fait en amont par le recruteur pour rencontrer l’équipe et expliquer qui on a recruté. Le pré-onboarding permet d’border le sujet avant son arrivée permet de répondre aux questions des un.e .s et des autres dans une démarche toujours pédagogique ».

10. Eviter de dramatiser

Comment parler à une personne non-binaire ? C’est une question récurrente des employeurs qui craignent le faux-pas et des accusations de discriminations alors qu’il peut s’agir d’une simple maladresse.

Elie Toupart temporise : « Ce n’est pas grave de faire une erreur. En revanche, ce qui est problématique, c’est quand le.la salarié.e explique l’erreur et que la personne continue à utiliser le mauvais pronom sans s’excuser ou intentionnellement. Il faut simplement être vigilant.e et respectueux.se ».

Quelle entreprise voulez-vous être ?

Aborder la transidentité au travail implique une réflexion en profondeur sur les valeurs de l’entreprise. Des valeurs qui comptent beaucoup pour fidéliser les salarié.e.s et attirer les candidat.e.s en recherche d’emploi. Pour vous aider à faire le point et définir votre marque employeur, téléchargez notre livre blanc gratuit qui saura vous orienter et vous expliquer la force de frappe de cet outil de communication.

De Nathalie Dépret