Salarié aidant familial : ce que l’entreprise inclusive peut mettre en place
Une entreprise inclusive ne peut plus se permettre d’ignorer certaines difficultés familiales et personnelles qui peuvent fortement perturber le quotidien d’un collaborateur et par extension, celui de son service ou de son entreprise. Cela peut passer par le Care Management, par exemple. Dans le cas du salarié aidant familial, le/la RSE de l’entreprise a un rôle crucial à jouer pour épauler ce collaborateur.
Un rapport publié par France Stratégie, « Engagement des entreprises pour leurs salariés aidants » analyse la situation de cette population active qui ne cesse d’accroître. Face à une démographie vieillissante qui impacte fortement les salariés, il devient impératif que les entreprises mettent en place une stratégie RSE au même titre que la QVT ou l’égalité salariale.
Le portrait du salarié aidant familial
Si c’est un sujet encore peu abordé en entreprise, le salarié aidant familial est pourtant un phénomène qui prend de l’ampleur et pourrait soulever des problèmes à l’entreprise s’il continue d’être ignoré.
Pour rappel, les salariés aidants cumulent une activité salariée et une activité d’aide d’un ou plusieurs proches, de façon bénévole : ils apportent un soutien moral, une aide domestique, un accompagnement dans les déplacements, une surveillance ou une aide administrative. (Baromètre des aidants, BVA, Fondation April, 2021).
- En France, 11 millions de personnes apportent de l’aide à un proche en perte d’autonomie soit 1 Français sur 5 (Groupe VYV/Harris Interactive)
- Près de la moitié des proches aidants occupent un emploi
- 57% des salariés aidants sont des femmes
- 39 ans est la moyenne d’âge d’entrée dans l’aidance (Étude Ocirp-Viavoice, 2021). La majorité des aidants ont entre 35 et 64 ans
Les besoins du salarié aidant familial
Accompagner un proche dans son parcours médical, gérer l’administratif, exécuter les tâches quotidiennes du domicile… Parmi les solutions concrètes qui pourraient accompagner et alléger le quotidien hyper chargé du salarié aidant :
- 49% des salariés aidants citent l’aménagement du temps de travail
- 34 % souhaitent des moyens financiers
- 34 % souhaitent des congés proches aidants mieux rémunérés pour pallier la baisse de revenus entraînés par l’aidance
- 65 % des salariés aidants ne se disent « pas assez informés » sur leurs droits, les démarches existantes.
- 35 % souhaitent des congés par intermittence pour gérer un imprévu
Les impacts de la « salariance » sur le salarié aidant familial
Le rôle des aidants est essentiel, chronophage et lourd à porter. Pour mener un management du salarié aidant efficace, il faut avoir conscience des effets secondaires liés à ce statut.
1. L’impact professionnel
Être salarié aidant familial peut perturber le quotidien au travail et impacter la carrière professionnelle puisque cela implique une réduction du temps de travail voire un arrêt momentané de son activité. Le collaborateur doit sacrifier les déplacements professionnels, les responsabilités croissantes et autres promotions.
- 4 salariés sur 10 ont renoncé à une opportunité professionnelle
- 48 % des salariés aidants ont peur de perdre leur emploi
- 17 % des aidants craignent d’être bloqués dans leur évolution professionnelle
- 13 % ont déjà connu une forme de stigmatisation en raison de leur situation
2. L’impact financier
S’il existe plusieurs dispositifs pour soutenir les aidants (CPA, CPP et CFS), l’indemnisation reste faible. Elle entraîne une perte de salaire et impacte la retraite puisque certains dispositifs comme le CPA, non rémunéré, déclenche une suspension des cotisations sociales. Sans parler de l’écart de salaires entre hommes et femmes qui ne risque pas de se réduire puisque ce sont les femmes qui assument souvent ce rôle d’aidant.
3. L’impact personnel
Si la « salariance » n’est pas un sacerdoce, elle exige malgré tout un don de soi qui déclenche souvent une charge mentale, très lourde à porter.
- 17 % des aidants consacrent 20 heures et plus par semaine à aider leur proche
- 81 % des salariés aidants ont le sentiment de manquer de temps
- 68 % travaillent alors qu’ils sont malades
- 17 % réduisent leur arrêt maladie en prenant moins de jours que prescrits
- 20 % repoussent voire renoncent à leurs soins avec les conséquences négatives sur leur santé (Observatoire des salariés aidants de Malakoff Humanis)
Le rôle capital de l’entreprise
Petit rappel : 62% des aidants sont en activité et 54 % sont salariés. Et selon l’étude d’Ocirp-Viavoice, un actif sur quatre sera aidant en 2030.
Face au schéma qui se dessine, les entreprises vont devoir engager une véritable stratégie pour répondre à ce phénomène. Relativement absente de la démarche RSE, (sauf dans les secteurs l’assurance, du médical, du pharmaceutique et du service à la personne), la salariance prend de l’ampleur. L’entreprise a un rôle à jouer auprès des salariés aidants qui rencontrent de nombreuses difficultés personnelles et professionnelles.
Les effets néfastes d’inaction de l’entreprise
Aujourd’hui, seulement 21 % des salariés aidants estiment que leur entreprise agit pour les épauler. Ce qui pousserait 38 % des aidants à vouloir changer de travail ou d’employeur.
Face à de tels enjeux, l’inaction aura un coût humain et financier considérable pour l’entreprise. S’il ne s’agit pas ici de remplacer les actions des pouvoirs publics, l’entreprise inclusive se doit d’accompagner le salarié aidant pour minimiser les effets nuisibles de l’aidance qui se répercutent au travail comme l’absentéisme ou les performances.
- Plus de la moitié des salariés aidants se disent épuisés professionnellement et stressés au travail
- 31 % d’entre eux admettent des baisses de vigilance et d’attention
- 47 % ont eu au moins un arrêt de travail en 2020 et 40 % ont eu des absences non prévues
Les 7 bonnes pratiques à mettre en place en entreprise
Accompagner un salarié aidant est un enjeu aussi important que l’égalité salariale ou le handicap. Il est de la responsabilité de l’entreprise – du dirigeant au service RH en passant par le manager – d’identifier les besoins de ses salariés aidants pour leur apporter des réponses sur-mesure.
Et lorsque l’employeur répond présent à ces enjeux, l’étude anglaise Supporting working Careers, démontre les effets positifs d’implanter des dispositifs adaptés :
- une réduction de l’absentéisme (pour 88 %)
- une amélioration de la productivité (pour 69 %)
- une amélioration de l’efficacité (pour 75 %)
- une amélioration du climat social (pour 93 %)
- une réduction du turn-over (pour 92 %)
- une amélioration des pratiques managériales, de l’engagement collaborateur et de l’attractivité de la marque
1. Diagnostiquer les besoins des aidants au sein de l’entreprise
La salariance est un sujet délicat car l’employeur rentre dans le domaine du privé. Cela explique sans doute pourquoi seulement 26 % des salariés aidants ont informé leur employeur de leur situation. Il est néanmoins possible de respecter le droit à la vie privée des collaborateurs tout en leur apportant du soutien.
Pour cela, l’entreprise peut envoyer un questionnaire à tous ses collaborateurs pour recenser le nombre d’aidants, le contexte et leurs besoins. C’est seulement à partir de ce diagnostic que l’entreprise peut effectuer un véritable diagnostic situationnel qui lui permet de s’engager ouvertement auprès de ses équipes et d’imaginer une stratégie en interne.
2. Donner un meilleur accès à l’information
Plus d’1/3 des aidants n’ont jamais entendu parler des aides qui leur sont ouvertes. Informer ces salariés aidants de leurs droits ou des prestations sociales disponibles est donc absolument essentiel.
Les plateformes d’aide et d’information
- Responsage
- La Compagnie des aidants
- Nouveau souffle
- Aidons les nôtres
- Tilia
- Ma boussole aidant
- Klaro
Les prestations sociales
- L’allocation journalière du proche aidant (AJPA)
- Le congé de proche aidant (CPA)
- Le congé de présence parentale (CPP)
- Le congé de solidarité familiale (CSF)
- Prestation de compensation du handicap (PCH)
- Allocation éducation de l’enfant handicapé (AEEH)
- Allocation personnalisée d’autonomie (APA)
- Assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF)
- Don de jour de repos (loi Mathys)
3. Mettre en place une aide financière
Le rapport « Entreprises mondiales et aide aux salariés aidants. Guide de bonnes pratiques », suggère aux entreprises diverses mesures :
- l’attribution d’une aide financière ponctuelle face à une dépense exceptionnelle liée à sa qualité d’aidant
- une enveloppe financière pour aider au portage de médicaments ou de repas, aux aides ménagères etc.
- l’attribution d’une aide financière permanente mensuelle ou annuelle pour assurer un complément de revenu
- l’entreprise peut également s’engager à améliorer le droit à la retraite complémentaire pour les périodes d’interruption de carrière, avec des congés exceptionnels d’aidants
4. Proposer une flexibilité horaire
Pour éviter l’épuisement, l’entreprise peut également offrir au salarié aidant d’aménager son temps de travail. Il peut donc suggérer des horaires décalés, le télétravail ou des congés ponctuels pour répondre aux besoins de la personne dont il s’occupe.
5. Offrir un suivi santé
Devant le poids des responsabilités qui s’accumulent et la charge mentale, il est aussi important d’imaginer des outils pour s’assurer du bien-être physique et mental du salarié aidant, plus fragile que celui des autres collaborateurs.
- 1/3 des salariés aidants indique avoir des troubles de sommeil
- 15% déclarent être en risque face aux pratiques addictives
- 47% des aidants ont récemment ressenti des douleurs (contre 28 % des salariés en général)
- 28 % des aidants sont en souffrance psychologique (contre 19 % des salariés)
- 39 % se sentent émotionnellement épuisés (contre 27 % des salariés)
L’entreprise peut agir en proposant un diagnostic santé, effectué pendant la visite médicale professionnelle pour permettre un espace de parole. Malakoff Humains suggère également « des formations pour apprendre à alléger sa charge mentale, pour bien vivre sa situation d’aidant, ou encore un accompagnement face aux situations de fragilité ».
Il est également possible d’améliorer les avantages sociaux en proposant des séances de massage ou d’ostéopathie voire même offrir une demi-journée par mois.
6. Reconnaître les compétences acquises de l’aidant familial
L’entreprise a tout à gagner en adoptant un style de management du salarié aidant. En effet, la situation personnelle de ce profil atypique va lui permettre de développer des soft skills précieuses pour l’entreprise, explique l’Orcip.
- Adaptation au changement : 72,8 %
- Meilleure gestion des priorités : 70 %
- Empathie vis-à-vis de mes collègues : 43,5 %
- Gestes de premiers secours : 18,5 %
- Organisation de mon temps : 42,1 %
7. Mesurer votre engagement envers le salarié aidant familial
Pour valoriser l’engagement de votre entreprise vis-à-vis des salariés aidants, vous pouvez vous inspirer de cette initiative portée par l’Ocirp et l’institut Viavoice. Il s’agit de mesurer l’indice du bien-être des salariés aidants IBEA®.
- La conciliation des vies professionnelle et personnelle
- Les opportunités de progression de carrière
- L’écoute et le soutien par les collègues
- L’écoute et le soutien par les supérieurs
- L’écoute et le soutien par les politiques de l’entreprise
- La motivation au travail
- L’état de santé physique
- L’état de santé psychologique
- Les outils, services et dispositifs mis en place par l’entreprise
- L’engagement de l’entreprise en faveur des salariés aidants
- Le niveau d’information délivré par l’entreprise sur les salariés aidants 12. Le rapport au déni/à la méconnaissance de sa propre situation d’aidant
Pour aller plus loin dans votre démarche RSE
Pour encourager votre entreprise à adopter une véritable démarche RSE, n’hésitez pas à téléchargez notre livre blanc Innovation et RSE : panorama des pratiques en entreprise, rempli de conseils et de bonnes pratiques.
De Nathalie Dépret