Recrutement : de la tactique à la stratégie
Devenu une variable d’ajustement dans la gestion du compte de résultat, le recrutement demande des réflexions et des décisions à un niveau stratégique.
Recruter. Ce sujet autrefois géré méthodiquement par le chargé de recrutement et le DRH s’est déplacé il y a une dizaine d’années au niveau de la direction générale pour venir se placer aujourd’hui au cœur des discussions du top management mondial de nombre de grandes entreprises. « On a élevé le débat à un niveau très stratégique car le recrutement est devenu une variable d’ajustement dans la gestion du profit & lost », observe Nelly Rey, DRH Europe continentale chez Monster. Ce constat varie selon les entreprises mais l’enjeu vaut pour toutes car pour une acquisition de talents optimale, le recrutement doit être aligné sur la stratégie de l’entreprise. Or en 2017, selon The Talent Forecast de Korn Ferry FutureStep, seulement 32% des professionnels du recrutement en France (38% en Europe) estimaient qu’il y avait alignement de leurs équipes par rapport aux objectifs stratégiques de l’entreprise.
Potentiel et ROI : des mots clefs en recrutement aujourd’hui
Les organisations ayant besoin de profils très polyvalents, du fait de la réduction de la taille des équipes, les fonctions sont plus riches en contenu. Peu ou pas de routine dans ces postes qui demandent d’actualiser le besoin et d’enrôler autrement. « Il s’agit plus de recruter sur un potentiel que sur des compétences acquises, en tablant notamment sur du prédictif », explique notre interlocutrice. Par ailleurs, le coût d’un recrutement étant très élevé — encore plus quand il est raté —, la décision de recruter est très souvent prise au sommet de la hiérarchie. Et plus le ROI (Return On Investment) d’un recrutement paraît évident, plus sa validation est rapide.
Des recruteurs d’un nouveau type
Dans ce contexte de prise de décision à haut niveau et de changement d’approche des recrutements, un nouveau type de recruteur émerge. Le profil idéal : geek (il doit être à l’aise avec les outils numériques pour en comprendre les enjeux et les usages), capable de déceler le potentiel d’un candidat en entretien, doté d’un 6e sens et d’une vision stratégique, mi-communiquant mi-VRP (il faut expliquer et vendre le projet de l’entreprise et l’évolution possible du poste). « Le recruteur doit faire rêver le candidat, lui vendre les bénéfices qu’il aura à rejoindre cette entreprise, l’évolution de carrière, la flexibilité au travail notamment, critère d’attractivité actuellement très important », poursuit Nelly Rey.
Pour convaincre le Comex, faire du recrutement une science tournée sur la data
De plus, quand le sujet est porté par le comité exécutif, le responsable du recrutement doit élever son registre de communication pour le placer au niveau de celui des dirigeants. « Pour convaincre un Comex, il faut faire du recrutement une science tournée sur la data et garder en tête que le ROI est un sujet qui marque l’esprit des leaders », pointe Nelly Rey. C’est chiffres à l’appui (études et mesures sur plusieurs mois, du turnover à tel poste, du niveau d’engagement, du nombre de candidatures, du taux de conversion…) que l’on fait passer le message de l’importance d’un recrutement.
Stratégique mais fait dans l’urgence : le paradoxe du recrutement
Recruter est donc stratégique, c’est aujourd’hui acté dans la plupart des entreprises. Pour autant, l’urgence gouverne encore souvent les recrutements. Plusieurs raisons expliquent ce paradoxe. Les employeurs ont parfois du mal à anticiper un départ car, pressés par l’urgence à tous les niveaux, la priorité n’est pas donnée à la GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences), même dans les entreprises qui y sont assujetties (entreprises d’au moins 300 salariés et entreprises communautaires d’au moins 150 salariés en France). Il en va de même pour les plans de succession, qui permettent de réfléchir en amont à la façon dont on peut positionner des personnes en interne, ou de décider d’un recrutement externe. « La succession est un sujet tabou », constate notre DRH. Il n’est pas évident pour un manager de choisir qui va le remplacer ; dans son esprit, la crainte de l’éviction l’emporte sur l’opportunité d’une promotion pour lui-même.
Oser la créativité en recrutement
La peur de l’erreur de casting est une autre raison. Certes les métiers de demain sont inconnus, mais une chose est sûre : il faut recruter des profils extrêmement adaptables, capables d’effectuer des virages à 180° dans leur carrière. Pour les identifier, les attirer, les motiver et les engager, dans un contexte où tous les recruteurs puisent dans le même réservoir de candidatures, « oser la nouveauté, la créativité, tout en évaluant la part de risque d’un recrutement plus ouvert, est une nécessité », conclut Nelly Rey.
Sophie Girardeau
Pour aller plus loin, téléchargez notre Guide pour mieux recruter : définir sa vision et son besoin