Interview RH d’Agnès Duroni
La marque employeur pour Agnès Duroni : Un collaborateur n’est pas un consommateur
Vous êtes une des premières à avoir parlé de marque employeur. Comment voyez-vous ce concept ?
Je travaille sur la marque employeur depuis longtemps. Le terme est passé dans le langage courant, presque galvaudé. Mais je fais partie de ceux qui y ont contribué en défrichant très tôt ce que cela demande à l’entreprise comme engagement.
J’ai passé 7 ans chez Capgemini, où l’on m’avait confié le développement de la marque employeur avec l’attractivité et le recrutement. En parallèle, j’ai publié « Marque employeur et nouveaux enjeux RH », une thèse professionnelle pour HEC.
Aujourd'hui, j’accompagne des grands groupes sur cette problématique, je l'enseigne et je donne aussi des conférences. Je reste très attachée à la dimension terrain, c’est-à-dire à la mise en œuvre opérationnelle du sujet.
Selon le modèle que j’ai construit en 2011, la marque employeur d’une entreprise se traduit à travers son identité, son image interne et sa réputation externe.
L’identité employeur, c’est l’ADN, les éléments constitutifs de l’entreprise, c’est-à-dire sa mission, son secteur, ses métiers, ses expertises, sa culture (valeurs, etc…), son cadre de travail, etc… L’image interne, c’est la représentation mentale de l’entreprise qu’en ont ses employés et ex-employés. La réputation employeur, c’est la dimension externe de la marque employeur : c’est la perception ou l’opinion que le public (ou un groupe de personnes) a de l’entreprise. Il y a ici une notion de collectif et de durée.
Aujourd'hui, le développement de cette marque employeur connaît des contraintes nouvelles. D’abord, chacun pourra constater que les dimensions externes et internes sont de plus en plus interconnectées. Et le monde est devenu beaucoup plus transparent. Avec les réseaux sociaux, les codes de la communication ont changé : on peut accéder à de nombreuses informations sur l'entreprise, tout comme on peut aussi prendre la parole à son sujet sur les médias sociaux, les forums, les blogs, etc…
Dans le terme “marque employeur” que je trouve maintenant un peu galvaudé, il y a la notion de « marque » et de marketing. Mais, il ne suffit plus de communiquer uniquement sur des valeurs ou avec des témoignages vidéo.
Il faudrait maintenant passer de la séduction à l’émotion, pour construire quelque chose de vrai et d’utile. Il est nécessaire d’aller au-delà de cette séduction : les candidats comme les collaborateurs ne sont pas des consommateurs. Il convient de leur proposer une relation plus durable, plus authentique et un projet à construire ensemble. Les entreprises de la nouvelle économie ont compris cela. Elles n'essaient pas d'attirer les collaborateurs en leur vantant des mérites qu'ils ne retrouveront pas forcément.
C’est l’effet de la génération Y ?
Cette génération existe bel et bien. On parle à tort d’une génération zappeuse mais elle a ses propres codes comme toutes les nouvelles générations. Les jeunes ne restent pas longtemps dans une entreprise s‘ils n’y trouvent pas un vrai projet. Lorsqu’on leur propose du concret dans lequel ils se retrouvent et se sentent bien, ils ont envie de s’engager.
Ils sont attirés par des codes plus communautaires, moins hiérarchiques au sein d’organisations qui proposent plus de transversalité. C’est le cas des startups, car elles ont inscrit ce mode de fonctionnement dans leur ADN. C’est plus long à installer dans les grandes entreprises. Mais il n’y a pas de recette miracle. Toutes les organisations sont uniques avec leurs propres cultures et leurs propres valeurs. Il est important d’impliquer non seulement les RH mais aussi les équipes opérationnelles, pour qu’elles construisent ensemble leurs solutions.
Qu’est-ce que les candidats attendent d'une marque employeur ?
Les candidats attendent d'une marque employeur qu'elle soit cohérente avec ce qu'ils vont vivre. Une fois recrutés, ils veulent aussi s’exprimer, contribuer au rayonnement de la marque, être ambassadeur. Ils veulent avoir une place dans cette entreprise et se sentir reconnus grâce à leur contribution.
Certains recruteurs travaillent encore « à l'ancienne » avec des fiches de poste qui décrivent la société de façon très corporate. Or, le candidat a changé : de nos jours, il a beaucoup de connaissances sur l’entreprise quand il arrive à l'entretien. Il s'est renseigné, a pu éventuellement échanger avec des collaborateurs. Il a peut-être surfé sur les sites de notation, eu connaissance des salaires… Le candidat détient ainsi une mine d’informations. C'est parce que le candidat a changé que le processus de recrutement s’est adapté. Et le recruteur doit être nettement plus dans l'échange qu’auparavant.
Attention à l'aspect cosmétique qui peut amener à afficher des notions dans lesquelles les candidats et les employés ne se reconnaîtront pas. Même si les jeunes ne comptent plus rester quinze ans dans la même entreprise, il est capital de leur proposer un projet qui a du sens avec une perspective à moyen terme qui trouve déjà ses preuves à court terme.
Agnès Duroni
Après 15 ans d’expérience dont 10 ans de management au sein de grands groupes, Agnès Duroni a créé Adevea Consulting (stratégie RH et innovation collaborative).
Agnès Duroni a précédemment été en charge d’unités opérationnelles (Atos, Capgemini) avant de rejoindre la Direction des Ressources Humaines de Capgemini où elle a occupé le poste de Directrice Recrutement / Mobilité / Carrières et mis en place des politiques RH pour l’ensemble des filiales.
Intervenante à HEC, elle est également conférencière, chroniqueuse sur Indice RH et l’auteure du blog « Marque employeur et nouveaux enjeux RH ».