Recrutement sans CV : 7 questions à se poser avant de sauter le pas
Le recrutement sans CV, nouvelle marotte RH ou solution aux difficultés d’embauche dans un marché plus tendu que jamais ? Derrière cette interrogation, d’autres se pressent pour rappeler que ce sont les usages d’un outil plus que l’outil en lui-même qu’il faut questionner.
Le recrutement sans CV est présenté comme une solution aux difficultés d’embauche actuelles, un moyen d’améliorer l’expérience candidat. Remplacer le CV par des tests permettrait en outre de mieux évaluer les compétences.
Dans le BTP par exemple, une candidature sans CV doit être rendue possible pour les profils qui n’en ont pas. Le sujet est également débattu dans des secteurs où tous les candidats ont leur curriculum vitae à jour, dans la Tech notamment. Une étude Codingame de janvier 2022 révèle par exemple que « 57% des entreprises se disent prêtes à sauter le pas du recrutement sans CV ».
1. Recrutement sans CV : quid de l’efficacité du curriculum vitae ?
L’intention de passer au recrutement sans CV est là mais le pas de côté ne semble pas effectif. Sans doute parce que les recruteurs et employeurs savent bien qu’un outil ne peut à lui seul expliquer une difficulté ou la résoudre. C’est du côté des usages qu’il faut chercher des solutions. Ainsi, en parallèle de mauvaises pratiques dans le tri de CV, sources de discrimination à l’embauche et d’erreurs de casting, il y a des retours d’expérience positifs.
Selon les recruteurs, la recherche de CV arrive en tête des principaux facteurs et outils qui déterminent l’adéquation d’un profil avec le besoin de l’entreprise (40%), suivie des intégrations ATS (30%) et de la diffusion des offres d’emploi sur les réseaux sociaux (27%) — source édition 2022 de l’étude Monster The Future of Work.
2. Recruter sans CV : au nom de quoi ?
« En quoi est-il illégitime pour un employeur de demander au candidat ce qu’il a fait ces dix dernières années ? En attaquant le CV, s’agit-il d’un conflit de format ou d’autre chose ? », questionne Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet Clémentine.
En matière de recrutement, il n’existe ni un seul canal de sourcing ni une seule étape d’évaluation. On trouve l’équivalent du CV sur une page de réseau social ; la cooptation est un canal qui fonctionne avec ou sans CV ; avec ou sans CV, l’entretien permet une première évaluation, complétée par des tests et de prises de références.
Avec ou sans CV, le candidat raconte son histoire, son parcours. Aussi innovant soit un processus de sélection, le risque de faire un mauvais choix existe, le focus sur le recrutement sans CV est donc réducteur.
Au fond, le sujet est de compléter l’idée que l’on se fait du candidat et plusieurs outils existent pour ce faire, de l’expertise du recruteur jusqu’aux solutions digitales, en passant par le bon vieux CV… ou en s’en passant.
3. Recrutement sans CV : qu’est-ce qui empêche les candidats de postuler ?
« Est-ce que le CV empêche les candidats de postuler ? », poursuit Emmanuel Stanislas.
Dans la plupart des métiers, notamment dans l’IT et le digital, les candidats potentiels en ont tous un à jour, parfois en ligne, ainsi qu’une page sur au moins un réseau social, le sujet est donc ailleurs.
Dans les secteurs où les difficultés de recrutement sont grandes, l’enjeu est de faciliter l’acte de candidature et la mise en relation.
« L’envoi d’un CV ne doit pas être une condition sine qua non du démarrage d’un échange entre le recruteur et le candidat », ajoute-t-il.
4. Un CV pour quoi faire ?
Le CV est censé apporter au recruteur les informations dont il a besoin pour préqualifier un candidat. Toutefois, la concision attendue dans ce document le standardise, au risque d’appauvrir son contenu.
« Une fois sur dix, nous disons au candidat que ce qui est le plus intéressant dans sa candidature ne ressort pas dans son CV, ce qui n’a pourtant pas exclu la rencontre », précise Emmanuel Stanislas.
Du reste, rien n’empêche de demander le CV après l’entretien plutôt qu’avant. Ou d’obtenir à l’oral les informations habituellement couchées par écrit.
À l’inverse, le trop plein d’informations peut être contreproductif comme l’a démontré l’étude HumanProtocolError. Publiée en janvier 2020 par la chaire Compétences, employabilité et décision RH de l’EM Normandie, elle pointe les limites de la mémoire de travail des recruteurs, limites qui affectent leurs prises de décision et doivent être prises en compte pour reconsidérer l’organisation de leur travail.
5. Le recrutement sans CV, la fin des automatismes des recruteurs ?
Cinq secondes, c’est le temps qu’un recruteur consacre à la lecture d’un CV, selon cette même étude. Cette rapidité automatise la lecture.
« L’intérêt de recruter sans CV est de mettre de côté la méthodo et les automatismes », estime Thierry Andrieux, fondateur du cabinet Humanessence.
Le fait qu’il n’y ait pas de CV évite une analyse préalable, c’est lors de l’entretien que le recruteur découvre le candidat, sans idée préconçue.
Sauf s’il cherche à se faire une idée de la personne avant de la rencontrer. Après tout, googleliser qui que ce soit est aujourd’hui devenu un réflexe, non ? « Les recruteurs doivent sortir de leur pré carré et outils, traditionnels ou innovants, il faut se méfier des automatismes d’où qu’ils viennent », ajoute notre interlocuteur.
6. Le recrutement sans CV pour moins de discriminations à l’embauche ?
En février 2020, sept entreprises françaises avaient été montrées du doigt pour « présomption de discrimination à l’embauche » à la suite d’une campagne de testing initiée par le gouvernement.
Mais le sociologue Jean-François Amadieu, président de l’Observatoire des discriminations, avait alors prêché pour une loi sur l’anonymisation du CV plutôt que pour l’abolition de l’outil.
Sachant que les comportements discriminatoires vont au-delà du tri des candidatures, le recrutement sans CV n’assure pas la fin des discriminations. De plus, l’évaluation des soft skills est prépondérante dans le recrutement sans CV. Or, les compétences comportementales sont plus difficiles à objectiver que les compétences techniques, ce qui représente un risque de discrimination.
7. Recruter sans CV pour mieux évaluer les compétences ?
Pourquoi recruter sans CV alors, si les mêmes écueils guettent le recruteur ? Et comment recruter sans CV ou mieux recruter tout court ? Avec des outils qui existent déjà, les tests dans le cadre d’assessment centers, par exemple, et/ou des solutions digitales « next gen », centrées sur l’évaluation des compétences plus que sur le parcours. Avec surtout un bon usage de ces outils. Et en misant sur la qualité relationnelle, qui se travaille aussi en posant des questions ouvertes en entretien, qui visent certes à cerner au mieux la personne qui postule, mais aussi à établir la confiance.
Les questions que soulève ce sujet rappellent que le recrutement relève de l’art de la relation humaine. En se passant du CV, « le but est de déconditionner les acteurs d’un recrutement, de désacraliser et le sacro-saint CV et l’entretien, sorte de Commedia dell’arte où tout le monde joue un rôle », conclut Thierry Andrieux.
Recrutement sans Cv et stratégie de recrutement : pour aller plus loin
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Sophie Girardeau