Les comportements de la nouvelle génération qui découvre le monde du travail sont-ils aussi inédits qu’on ne le pense ? Il y a dans la jeunesse des constantes qui doivent aider les entreprises à s’adapter aux jeunes.
Les études sur les jeunes dans le monde du travail abondent qui nous décrivent les Z, ces drôles de jeunes nés après 1995, comme des personnes qui s’ennuient vite, cherchent du sens, rejettent l’entreprise traditionnelle…
Quelles attentes de la Gen Z pour l’entreprise de demain ? par exemple, une enquête Mazars/OpinionWay publiée en 2019, brosse le portrait de jeunes au travail qui veulent de la flexibilité, de l’autonomie et du lien social. Elle révèle que la moitié d’entre eux souhaitent travailler selon leurs propres méthodes. De mémoire de managers et de recruteurs, on n’a jamais vu ça.
Jeunesse et travail : une génération ni tout à fait la même ni tout à fait une autre
Les jeunes qui arrivent aujourd’hui dans le monde du travail ressemblent pourtant à leurs prédécesseurs. « Ils ont le même souhait de monter dans la hiérarchie, posent les mêmes questions : quel avenir ai-je dans l’entreprise ? comment progresser ? — des questions naturelles dès qu’on appartient à une entreprise », observe François Dupuy, sociologue des organisations, auteur d’une dizaine d’ouvrages dont Lost in Management, tome 1, 2 et 3 (Seuil, 2011, 2015 et 2020).
Le philosophe d’entreprise Thibaud Brière, auteur entre autres de Toxic Management (Robert Laffont, octobre 2021), insiste lui aussi sur la continuité de la nature humaine : « Une illusion de perspective surdimensionne ce qui est propre à une génération. Croire à une révolution est le signe d’un manque de recul et de références historiques, d’où la tendance à moins chercher dans le passé des solutions susceptibles de nous aider, notre propension à nous croire uniques. »
La difficulté des managers à s’adapter aux jeunes générations est celle des organisations
Chaque nouvelle vague fraîchement diplômée se heurte à la résistance des managers. Les jeunes prétendent faire mieux que leurs aînés ? Les managers prédisent qu’ils s’y casseront les dents. « C’est la répétition des cycles de la vie, le constat que l’expérience ne se transmet pas, qu’il faut expérimenter soi-même », rappelle François Dupuy.
Mais la difficulté des managers à composer avec une jeunesse qui questionne les méthodes, cherche à comprendre au lieu d’exécuter, est avant tout celle des organisations. « Les entreprises souffrent d’une déficience de remise en question et donc d’agilité », pointe Thibaud Brière.
En cause, leur excès de normes et une financiarisation accrue qui ne facilitent pas la réponse aux besoins évolutifs des consommateurs. Aussi préfèrent-elles créer le besoin, c’est-à-dire adapter la demande à leurs objectifs de rentabilité plutôt que de s’adapter à une demande existante et changeante. Le phénomène est davantage flagrant dans les grandes structures que dans les petites, plus proches de leurs clients et salariés. « L’entreprise finit par s’adapter mais avec un temps de retard, quand la génération d’après est déjà arrivée », note Thibaud Brière.
Alors à quoi s’attendre avec les Z ? À devoir s’adapter, ce n’est pas nouveau, c’est la vie. Pour ce faire, les managers ont besoin d’autonomie. Avec l’inflation de process et de règles, ils en ont perdu, comme l’a montré une étude de la Dares de 2019 sur l’autonomie dans le travail. Mais ils en ont retrouvé durant la crise, par des phénomènes de désobéissance, pour assurer la continuité de l’activité. Personne dans les directions ne s’en est plaint.
« Le fait de constater que ça a marché ainsi, de questionner la pertinence d’un retour à la règle pourrait répondre aux attentes des jeunes au travail », remarque François Dupuy. Et encourager les managers à persister dans cette voie.
5 soft skills pour aider les managers s’adapter à chaque nouvelle génération
L’entreprise doit encourager chez les managers le développement de soft skills qui rendent agile — de quoi faciliter l’insertion des jeunes dans le monde du travail.
· Savoir s’affranchir des règles
« Votre entreprise vous reconnaît souvent plus de marges de manœuvre que vous ne l’imaginez », relève Thibaud Brière, « par ailleurs, c’est la transgression des règles qui permet l’adaptation au réel et l’agilité des structures, règles qui doivent être indicatives et non directives ». Les managers de proximité savent du reste qu’il faut ruser pour réussir —Ulysse à l’intelligence rusée (mètis) les inspire.
· Avoir l’humilité de se laisser enseigner par les jeunes
Il y a dans le rapport manager/managé quelque chose du rapport maître/élève. « Le manager doit avoir l’humilité de se demander ce qu’un jeune peut lui apprendre », poursuit notre philosophe.
· Préférer l’autorité de l’argument à l’argument de l’autorité
Un des rôles du manager est de faire dialoguer les collaborateurs entre pairs pour que les messages passent aussi par eux. « Peu importe le statut, ce qui compte c’est de porter son attention sur la qualité de l’argument », ajoute-t-il.
· Faire preuve d’esprit critique
Nombre d’études internationales sont d’accord : l’esprit critique, la capacité à se remettre en question, à douter comptent parmi les compétences dont les entreprises ont besoin. Se remettre en question est un pli à prendre, prendre conscience de l’importance de cette disposition serait possible en formation continue.
· Sortir de l’arrogance
Vouloir que le client s’adapte au produit est un exemple de posture arrogante, dans le sens où l’entreprise ne questionne pas le besoin du consommateur — étymologiquement, l’arrogance est l’absence de question (a-rogare). Valoriser l’esprit critique est un moyen de sortir de l’arrogance. « L’entreprise y gagnerait, ce qui suppose qu’elle encourage ses cadres à prendre des initiatives et leur accorde le droit à l’erreur, au lieu de leur demander de dérouler sa politique sans état d’âme », estime Thibaud Brière. Autant de libertés que les managers accorderaient ainsi plus naturellement aux jeunes au travail.
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Sophie Girardeau