Les écarts se creusent entre les filières de formation

Si la photo des perspectives d’emploi offertes aux jeunes diplômés est globalement rassurante, les difficultés sont toutefois très variables selon les formations et les filières de professionnalisation. Des différences qui pèsent sur le rythme et la qualité d’insertion dans le marché du travail. Et aussi sur le niveau des rémunérations proposées.

La légère embellie des chiffres du chômage des jeunes enregistrée au cours des trois derniers mois ne doit pas masquer les fortes disparités qui régissent le marché de l’emploi. Si pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur les derniers résultats publiés par le ministère de tutelle sont plutôt rassurants ils restent néanmoins très divergents selon l’angle d’approche. Globalement, la photo conforte l’axiome selon lequel faire des études est synonyme de job. Aujourd’hui, un jeune diplômé de Bac +2 à bac +5 a près de 5 fois plus de chance qu’un autre de trouver un emploi stable et correctement rémunéré. Quand le chômage des jeunes reste à un étiage très élevé, voilà qui décapite les sirènes qui depuis quelques années serinent que faire de longues études ne sert à rien. Les entreprises pensent en fait tout le contraire « Dans notre secteur économique, les nouvelles technologies et l’informatique, nous sommes des recruteurs de profils très diplômés. Les enjeux auxquels nous faisons face sont si complexes qu’ils nous imposent d’embaucher à haut niveau, Bac 4/5. Nous avons besoin de collaborateurs dotés de bases techniques fortes mais aussi de capacités d’adaptation et de flexibilité » souligne Dominique Dervieux, directrice adjointe du recrutement de CGI, société canadienne, 5° acteur mondial des entreprises de services numériques et qui compte déjà 10 000 collaborateurs en France dans 22 villes.

Ce thème de l’employabilité, longtemps ignoré des forums et des débats sur l’emploi est désormais très intégré dans les réflexions des recruteurs. Il l’est aussi dans celles des postulants. Quand on décrypte les résultats des travaux sur l’insertion des jeunes diplômés ont constate sans surprise que les filières professionnalisantes sont très clairement la « voie royale »: 92 % des formations de type Master Pro débouchent sur un emploi. Ce chiffre est encore de 89 % pour les titulaires d’une licence pro ou d’un DUT. Et ce taux d’insertion augmente régulièrement tous les ans. Concrètement ces formations ont une attractivité pour les entreprises presque équivalente à celles très sélectives des grandes écoles d’ingénieurs ou de gestion.

Mais si toutes les formations mènent à bon port, les formations les plus pointues conservent toujours un net avantage. Car si l’on considère les courbes d’insertion on constate que 29 % des jeunes diplômés sont toujours en chasse de leur premier job. Le type de diplôme fait toute la différence : plus de 6 diplômés de sciences sociales, philosophie ou sociologie sur 10 sont toujours sans emploi plus d’un an après la réception de leur parchemin. Ce qui n’est évidemment pas le cas des profils techniques ou scientifiques. L’aéronautique et plus particulièrement les PME sous-traitantes, sont en attente de milliers de candidatures pour faire face au boom des commandes d’avions. Le Gifas qui regroupe les acteurs de cet univers a un carnet de 15000 postes à venir. La situation est encore plus tendue dans l’informatique et les nouvelles activités du numérique. A l’exemple de GFI, le 9e acteur des entreprises de services numériques « Nous sommes en tension permanente. La pénurie de talents est réelle et nous devons à la fois travailler sur l’attractivité de nos métiers trop peu connus et les évangéliser. Principalement du côté des jeunes filles. Elles doivent savoir qu’il n’y pas que du développement informatique dans nos métiers » constate Isabelle Neri directrice du recrutement France.

Cette faible proportion de candidates est un des freins qui entrave selon nos experts le développement de ces activités dans l’Hexagone. On en conscient chez Atos, le leader européen qui se déploie dans le Cloud, le Big data ou la Cybersécurité « Nous multiplions les conventions, notre présence sur les forums, dans les conférences pour donner plus de visibilité à nos métiers. Notre engagement repose sur des propositions d’embauches qui sont structurées. Malgré ce déploiement nous sommes parfois confrontés à une pénurie de candidats sur certains métiers ou certaines régions » déplore Virginie Chevallard Directrice du recrutement pour la France et l’Espagne chez Atos. Pour elle comme pour tous nos experts il faut faire au mieux avec les ressources actuellement disponibles sur le marché de l’emploi. Tous appellent d’ailleurs à un grand mouvement autour des formations dispensées. Certains rêvent même d’un Grenelle de la formation numérique.

Cette recherche permanente de talents est aussi le lot des sociétés d’audit et de conseil. Plusieurs milliers de postes sont chaque année ouverts dans les grands et les moins grands cabinets. A l’exemple de EY qui outre l’audit et le conseil dispose de grosses équipes d’avocats. Ce cabinet organise un programme de recrutement de 750 jeunes diplômés. Exclusivement Bac +5 avec, et c’est une particularité, l’espoir d’attirer un fort contingent d’ingénieurs (20 %). « Nous leur proposons d’apprendre un métier, et en particulier ceux qui ne sont plus ou mal dispensés dans les écoles de gestion, et nous leurs offons des passerelles entre nos différentes filières. C’est une attente de la nouvelle génération des diplômés. Elle a un respect hiérarchique de proximité, est en quête de sens, et s’empare sans crainte des questions stratégiques,… bref elle est très exigeante » remarque Sylvie Magnen associée chez EY, responsable de la stratégie RH, qui rappelle au passage que les métiers qui évoluent dans des territoires très règlementés imposent une solide rigueur professionnelle. Et puis, mais faut-il encore le rappeler, tous les secteurs depuis la Banque-assurance jusqu’au tourisme en passant par la distribution espèrent trouver de bons commerciaux. Ces profils de Bac +2/3 à bac +4/5 sont les plus recherchés.

Dans tous les cas de figure, dès lors que l’adéquation de la formation aux besoins des entreprises et du marché de l’emploi est satisfaisante, les jeunes diplômés trouvent leur place sur le marché du travail. A l’exemple des Bac+2/3 du secteur santé-social qui ont un accès rapide et durable à l’emploi de 95% à la fin de leur formation. Un taux supérieur à celui des doctorants. Comme le souligne le Cereq, le Centre d’études et des qualifications, « l’effet du diplôme est toujours aussi manifeste ».