La marque sectorielle BTP, un vaste chantier

La marque sectorielle BTP, un vaste chantier

Le BTP doit travailler sa marque sectorielle pour développer son attractivité et ainsi, tenir ses engagements en faveur de l’apprentissage et de l’emploi. Le 5 janvier 2021, la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) et la FFB (Fédération française du bâtiment) ont signé quatre chartes en faveur de l’apprentissage et de l’emploi, les engageant pour les années à venir. La FNTP vise ainsi l’augmentation de 50% du nombre d’apprenti·es entre 2019 et 2022 et envisage de recruter 50 000 personnes dans les deux prochaines années (le rythme annuel d’embauche dans les travaux public étant habituellement de 15 000 à 30 000 personnes). La FFB, qui prévoit un nombre d’apprenti·es stables en 2021 par rapport à 2020, s’engage en matière d’embauches à renouveler son plan 15 000 bâtisseurs dédié aux quartiers en difficulté. La CAPEB (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) quant à elle prévoit de 15 000 à 30 000 recrutements dans l’artisanat du bâtiment en 2021, dont la possibilité de créer 5 000 emplois[1].

Des enjeux de recrutement à relever avec une pénurie de candidat·es

L’édition 2020 de l’enquête BMO de Pôle emploi révèle cependant que 70% des entreprises de construction anticipent des difficultés de recrutements, les métiers de couvreur·euse, charpentier·ière (bois) et plombier·ère-chauffagiste étant les plus difficiles à recruter. Dans les trois familles métiers du BTP (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, exécution) tous les métiers sont en tension, qu’il s’agisse de compagnons (ouvrier·ières), de technicien·nes ou d’ingénieur·es. En cause, le manque de compétences disponibles, certes, mais aussi l’attractivité du secteur qui s’est dégradée ces dix dernières années. « Auparavant, les métiers de compagnons attiraient facilement des profils post bac, offraient la possibilité de se former sur le tas, des perspectives de belle carrière et de promotion interne », observe Stève Noël, DRH de Rabot Dutilleul Construction. Pourtant, les valeurs sociales et humaines du chantier demeurent. Se le rappeler est un moyen pour les employeurs de raviver la flamme, car ces métiers sont des métiers de passion. « Les jeunes sont frappé·es par le fait que les gens du bâtiment sont sympas et jouent collectif. De plus, ce que l’on construit laisse une trace, la fierté d’avoir fait est une chose extraordinaire ! », souligne la FFB.

L’attractivité des métiers, un travail de longue haleine

La diversité des métiers fait aussi la force du BTP. Des métiers qui évoluent du fait de la diversification des matériaux, des offres, des innovations technologiques, et permettent d’œuvrer pour la transition énergétique. Or, c’est l’idée de leur rudesse que l’on retient. « Ces métiers sont répulsifs car méconnus. Pour relever ses enjeux de visibilité et de notoriété, la profession a investi dans des campagnes de communication pour inciter les jeunes de 13 à 20 ans à choisir les métiers des travaux publics », explique Corine Le Sciellour, directrice générale déléguée de la FNTP en charge de la communication. #FranchementRespect en est un exemple. Destinée à une cible de jeunes de 14 à 18 ans en quête d’orientation, cette campagne a été pensée en fonction des habitudes de consommation de cette génération et reprend les codes de l’univers du rap. La FNTP investit dans le temps long pour amener les profils recherchés à choisir des formations courtes et l’apprentissage (formation initiale (bac pro) ou formation en alternance au sens large (CAP)). Des actions sur le terrain complètent les campagnes de communication. Des interventions dans les collèges par exemple, ou le soutien aux journées portes ouvertes des centres de formation de la branche. En 2020, le nombre d’alternant·es entré·es dans les formations de la FNTP a ainsi augmenté de 15%. « Nous avons un réseau de centres de formation et un label d’excellence TP, l’école d’Égletons en est le navire amiral », précise notre interlocutrice.

Un secteur d’intégration mais un manque de diversité dans les équipes

Arriver à capter des profils ayant la capacité de se former tout au long de la vie — l’enjeu du certificat CléA, un outil au service de l’employabilité et de la compétitivité — est crucial. « Le bâtiment est un secteur d’intégration, il a toujours récupéré des profils venus d’un peu partout et a évolué grâce à cette capacité », rappelle la FFB. Ainsi, en région parisienne, 30% de jeunes trouvent des opportunités dans le bâtiment contre 70% d’adultes, principalement en reconversion. « Des progrès en termes de diversité des équipes sont nécessaires », pointe néanmoins Vincent Roiron, responsable de région Sud-Ouest chez Expectra, car des compétences il y en a au-delà des champs de sourcing habituels. Chez les ingénieur·es étranger·ères, des candidat·es très motivé·es, hier, venu·es d’Asie, aujourd’hui, du Maghreb. Chez les réfugié·es, au savoir-être inestimable, public concerné par le projet HOPE (Hébergement Orientation Parcours vers l’Emploi), un programme d’insertion porté par l’Afpa qui est une source de recrutement supplémentaire. Chez les femmes[2], à condition qu’elles soient plus nombreuses à se projeter dans ces métiers, ce qui renvoie aux problématiques de stéréotypes et d’orientation. « Pour réhabiliter l’image du bâtiment, il faudrait plus de femmes dans le secteur, la formation permet de les attirer », estime le président de la CAPEB, Jean-Christophe Repon. Faire savoir que les métiers sont de plus en plus outillés et les matériaux, de moins en moins lourds, que le travail est donc moins dur pour le corps, pourrait modifier la représentation que l’on en a, reliée à la force physique, et permettre de créer des vocations. « Il y a de la communication à faire et des préjugés à casser : embaucher une femme dans le BTP, on devrait trouver ça normal plutôt qu’extraordinaire », remarque Jean-François Brûlé, consultant en recrutement, fondateur de JEFF Consulting.

La fidélisation des apprenti·es, un enjeu managérial aussi

La valorisation de la marque sectorielle BTP se joue également sur la capacité à fidéliser les jeunes en formation — 120 000 en France, dont la moitié en apprentissage —, pour éviter de perdre de potentiel·les bon·nes candidat·es. Si le travail des fédérations apporte un plus en termes d’attractivité des métiers, il ne se substitue pas au nécessaire travail sur la marque employeur de chaque entreprise. Un travail qui doit aller au-delà de la communication et demande à l’entreprise de questionner ses processus et ses modes de management. D’autant plus que l’apprentissage est une intégration dans une famille professionnelle, avec tout ce qu’il peut y avoir de passionnel dans ce rapport « familial ». Grâce à l’apprentissage, des jeunes peu scolaires, qui ont longtemps eu un sentiment d’échec, réalisent qu’ils·elles arrivent à faire quelque chose de leurs mains. La fierté qu’ils ou elles éprouvent est un puissant facteur d’engagement encore trop souvent négligé par les employeurs. Des intégrations bâclées amènent déceptions et abandons de formation ou de poste. Les jeunes et leur rapport au travail ne sont pas seul·es responsables de ces échecs, des problématiques de management propres au secteur expliquent aussi les difficultés d’attraction et de fidélisation. « Dans le BTP, tout se joue dans l’équipe mais il n’y a pas d’entraîneur sur le chantier — le·la conducteur·trice de travaux est membre de l’équipe, pas le·la patron·ne. Il y a une grande différence entre les entreprises où le·la dirigeant·e est avec ses ouvrier·ères sur le chantier et les autres. À partir de deux équipes, les questions de management ne sont plus les mêmes », conclut la FFB. Sophie Girardeau

[1] Source note de conjoncture CAPEB-XERFI. [2] Il y a 1% d’ouvrières sur les chantiers du bâtiment et 30% de femmes cadres et ETAM (source FFB).

Publié le 16 avril 2021.