Salarié incarcéré ou en garde-à-vue : quelles options pour l’employeur ?

Salarié incarcéré ou en garde-à-vue : quelles options pour l’employeur ?

La signature d’un contrat de travail fait naître des obligations tant pour le salarié que pour l’employeur. La première d’entre elles engage les deux parties à agir de bonne foi. Lorsqu’un salarié est absent de l’entreprise, car privé de sa liberté d’aller et de venir, se pose la question de savoir ce que devient le contrat de travail d’un salarié incarcéré, interpellé ou détenu.

Une des obligations du contrat de travail pesant sur le salarié est d’être à la disposition de l’employeur pour le temps indiqué dans les clauses du contrat. Par ailleurs, tant le salarié que l’employeur sont tenus d’agir de bonne foi dans le respect de leurs obligations ; aussi, l’employeur doit-il fournir un travail et un salaire à son personnel dont l’absence est justifiée.

C’est pourquoi il est important d’identifier les options à la disposition de l’employeur en cas de retour d’un salarié après une absence due à une incarcération, à un placement en rétention, à une garde à vue ou à une détention provisoire.

Chacune de ces situations produit des effets différents sur l’existence du contrat de travail, y compris durant la période d’essai. Les informations suivantes vous permettront de mieux comprendre ce que devient le contrat de travail d’un salarié incarcéré ou privé temporairement de sa liberté d’aller et de venir.

La privation de liberté et le contrat de travail : une suspension ou une résiliation ?

Pour bien comprendre les effets de l’absence d’un salarié privé de sa liberté sur la poursuite du contrat de travail, encore faut-il distinguer 2 situations :

· La suspension du contrat de travail

Le contrat de travail est alors « gelé » dans tous ses aspects, aucune des parties ne pouvant exiger de l’autre qu’elle remplisse ses obligations.

Aussi, certaines absences de l’entreprise ne peuvent être reprochées au salarié ; c’est le cas notamment lorsqu’elle est justifiée par l’un des congés prévus par la loi, tel le congé de parentalité, ainsi que dans certaines situations lorsque le salarié est incarcéré.

· La résiliation du contrat de travail

L’annulation du contrat de travail peut être le fait d’une résiliation. Dans cette situation, l’extinction du contrat de travail ne produit ses effets que pour l’avenir, à la différence de la résolution qui annule les effets passés, présents et futurs du contrat.

Pour savoir si l’absence du salarié incarcéré ou privé de sa liberté conduit à la suspension ou à la résiliation du contrat de travail, il faut distinguer les situations juridiques ayant conduit à cette absence.

Salarié incarcéré et licenciement pour absence non-justifiée ou justifiable

Tout d’abord, rappelons que le fait qu’un salarié ait été temporairement privé de sa liberté d’aller et de venir ne signifie pas qu’il ait commis une infraction. Il faut maintenant distinguer les différentes raisons conduisant à l’absence du salarié pour savoir si le contrat de travail peut être annulé.

Une restriction de liberté peut intervenir dans le cadre de :

1. La retenue judiciaire

Tout salarié peut être retenu par les services de police pour une durée de quatre heures maximum, alors même qu’il n’existe « aucune raison plausible de soupçonner » que le salarié a commis ou tenté de commettre une infraction. Cette retenue judiciaire se justifie afin de permettre des auditions de témoins dans le cadre de crimes et des délits dits « flagrants ».

Dans cette situation, le contrat de travail du salarié absent est considéré comme suspendu dès lors que le salarié a informé son employeur. En effet, la retenue judiciaire ne le prive pas de sa liberté de communication avec l’extérieur. Il appartient alors à l’employeur de faire preuve de bon sens, la rétention ayant pu altérer la faculté de penser du salarié témoin.

2. La garde à vue

Décidée par un officier de police judiciaire et éventuellement prolongée par un membre du parquet, cette privation de liberté intervient dans les premières phases de la procédure pénale. Cette mesure est prononcée à l’endroit des personnes à l’égard desquelles il existe des « raisons plausibles » de la soupçonner d’avoir commis un crime ou un délit récemment ou dans un temps plus reculé.

Rappelons que le salarié bénéficie de la présomption d’innocence.

Son absence de l’entreprise ne peut faire l’objet d’un licenciement pour absence non-justifiée. En effet, le droit pénal limite le droit de communication de la personne placée en garde à vue pour les besoins de l’enquête. Son contrat de travail est alors considéré comme ayant été suspendu, quand bien même il n’aurait pas informé son employeur durant le temps de cette mesure.

3. La détention provisoire et la condamnation à l’emprisonnement

La détention provisoire est décidée par le seul Juge de la Liberté et de la Détention (JLD) à la demande du juge d’instruction. Bien qu’il existe à ce stade de la procédure des « indices graves et concordants » laissant à penser que le salarié ait commis un crime ou un délit, il est encore considéré comme innocent.

En revanche, lorsque le salarié est incarcéré suite à une décision prise par un tribunal correctionnel ou une Cour d’assises, il a été reconnu coupable des faits reprochés.

Dans ces deux situations, le salarié détenu dispose d’une plus grande liberté de communication ; aussi, doit-il informer son employeur de son absence. A défaut, il commet une violation de l’obligation contractuelle d’information, laquelle permet d’engager une procédure de licenciement pour faute.

Pour que l’absence soit considérée comme injustifiée, 3 conditions doivent être réunies :

  • Le salarié n’a pas informé son employeur durant sa période de détention provisoire ou avant le début de son incarcération. Lorsque cette dernière est décidée rapidement par un tribunal correctionnel à l’issue d’une audience en comparution immédiate, l’employeur doit être avisé dès le début de l’exécution de la peine de prison. En outre…
  • Le salarié ne doit pas avoir été dans une position rendant impossible le contact avec l’employeur. Et enfin…
  • L’absence du salarié doit engendrer des difficultés de fonctionnement de l’entreprise.

Le licenciement pour les faits ayant conduit à l’incarcération du salarié

Lorsque le salarié incarcéré a respecté son obligation d’information de l’employeur, son absence de l’entreprise ne peut, à elle seule, justifier la résiliation du contrat de travail. En effet, la détention du salarién’est pas un cas de force majeurepermettant à l’employeur de résilier lecontrat de travail.

Toutefois, en cas de retour du salarié après son incarcération ou de la levée de la privation de liberté, l’employeur peut encore procéder à son licenciement dans les situations suivantes :

1. Le licenciement pour faute et la détention du salarié

Lorsque l’absence du salarié est justifiée ou justifiable, l’employeur peut encore engager une procédure de licenciement sur la base du fait à l’origine de la privation de liberté. Il faut toutefois que ce fait ait été commis durant le temps de travail. En effet, une infraction commise sur le temps personnel n’est pas un motif de licenciement.

Ainsi, un salarié à l’origine d’une violente altercation au sein de l’entreprise ou ayant tenté de tromper un client peut avoir été placé en garde-à-vue ou incarcéré. Les faits commis au détriment de l’entreprise peuvent alors servir de base à une procédure de licenciement pour faute. En ce cas, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable.

2. Le licenciement pour motif personnel et l’absence du salarié

Un employeur peut estimer que le retour d’un salarié ayant eu une absence justifiée ou justifiable suite à une privation de liberté n’est plus souhaitable dans l’entreprise. Toutefois, un « souhait » n’est pas un motif de licenciement.

Néanmoins, même en l’absence de faute reprochée dans le cadre du travail, l’employeur peut se séparer d’un salarié pour motif personnel. Il faut, cependant, que la cause du licenciement soit réelle et sérieuse ; dans le cas contraire, la procédure de licenciement sera annulée par le Conseil des Prud’hommes.

La perte de confiance, l’incompatibilité et la simple mésentente ne constituent pas une cause réelle et sérieuse. Cette dernière doit, en effet :

  • Se rapporter à des faits réels
  • Faire état de faits précis et vérifiables
  • Etre sérieuse au point de nuire à la bonne marche de l’entreprise

Ainsi, pour licencier le salarié absent, l’employeur peut :

  • Faire état d’une absence non-justifiée ou non-justifiables ; ou bien…
  • Se prévaloir de l’infraction commise au détriment de l’entreprise, à condition de convoquer le salarié ayant été incarcéré à un entretien préalable ; ou bien…
  • Démontrer l’existence d’un motif personnel

La rupture conventionnelle et la détention du salarié

Enfin, lorsque la confiance n’existe plus entre l’employeur et l’employé, en raison notamment d’une procédure pénale engagée contre ce dernier, la rupture conventionnelle peut être une solution satisfaisant les deux parties.

Cette solution suppose que le salarié dont le départ est souhaité est employé dans le cadre d’un CDI. Par ailleurs, il doit avoir accepté cette procédure, celle-ci ne pouvant être imposée.

Faites rapidement face à l’absence d’un salarié

L’absence d’un salarié peut sérieusement compromettre le bon fonctionnement de l’entreprise et conduire à une perte de marché.

Pour combler au plus vite les vacances de postes, explorez de nouvelles stratégies de recrutement en consultant gratuitement notre livre blanc composé par nos experts.

De Frédéric Carteron