Le recours au télétravail est une solution pour maintenir la continuité de l’activité face à l’épidémie de Covid-19. Conseils pour accompagner ce changement rapide d’organisation.
En matière d’organisation (ou de désorganisation) du travail, les grèves des transports en commun de décembre 2019 et janvier 2020 font figure de répétition générale de la crise actuelle, sanitaire cette fois. L’épidémie de Covid-19, considérée comme une pandémie par l’OMS depuis le 11 mars, pousse les entreprises à avoir recours au télétravail, en devant improviser pour celles qui n’ont jamais expérimenté ce dispositif défini par l’article L1222-9 du Code du travail. « En 2011, tirant les leçons de la pandémie grippale de 2009-2010, le gouvernement avait demandé aux entreprises de mettre en place des plans de continuité de l’activité et le télétravail faisait partie des solutions », rappelle Xavier de Mazenod, fondateur de Zevillage, agence qui repense les formes de travail. En temps normal, sa mise en place demande de communiquer auprès des équipes, de définir des critères d’éligibilité, de dialoguer avec les partenaires sociaux, d’élaborer une charte, de monter un groupe pilote puis, de généraliser ce mode de travail. En temps de crise, il s’agit d’accélérer et d’adapter ce processus.
Mettre au télétravail sans délai les personnes éligibles
C’est palpable sur les routes, dans les transports en commun et dans les agendas depuis le début de la semaine, les entreprises n’ont pas attendu le passage au stade 3 du plan de prévention contre le Covid-19, annoncé le 12 mars par l’exécutif, pour prendre des mesures de restriction des déplacements. Des actions anticipées plutôt que réalisées dans la panique étant préférables, il est recommandé de demander aux personnes éligibles de passer sans délai au télétravail. « En cas de crise sanitaire, la condition de volontariat ne s’applique pas, l’employeur peut l’imposer », précise notre interlocuteur.
Donner les moyens de travailler : outils et hotline
Le télétravail dépendant des technologies de l’information et de la communication, il faut s’assurer que le·la salarié·e dispose des outils nécessaires, à savoir un téléphone, un ordinateur, une connexion internet d’assez bonne qualité et des outils collaboratifs. Si les salarié·es éligibles au télétravail n’ont pas de téléphone professionnel, le remboursement des frais téléphoniques doit être prévu. Il faut aussi parfois répondre rapidement à un besoin d’ordinateur. Dans des environnements où le contrôle est la règle, comme la banque, et où l’usage d’outils collaboratifs est restreint par la DSI, sachez qu’il existe « des solutions de travail à distance intégrées dans les ordinateurs, les VPN (Virtual Private Networks) », poursuit Xavier de Mazenod. Pour répondre à toutes les questions techniques, il est recommandé de mettre en place une hotline constituée de geeks empathiques. Cependant, ce qui s’avère simple sur le papier peut se compliquer dans la réalité : les accès VPN sont limités, les serveurs saturent, les ordinateurs manquants, en provenance de Chine, n’arrivent pas…
Rassurer, les équipes et les partenaires sociaux
Surcommuniquer peut être nécessaire au début. Tant auprès des personnes pour qui le home office est mal vécu (sentiment d’isolement) ou difficile à mettre en œuvre (environnement peu propice au travail, présence d’enfants en bas âge du fait de la fermeture des crèches et écoles, absence de solution alternative comme les espaces de coworking…), qu’auprès des partenaires sociaux. Dans les grandes entreprises, rassurez ces derniers en laissant la porte ouverte à la renégociation des conditions de travail une fois la crise passée.
Les managers de proximité, pierre angulaire du dispositif
Cette crise sanitaire donne l’occasion aux managers de se poser en tant que personnes ressources. Considéré·es habituellement comme des freins à la mise en place du télétravail, les cadres jouent là un rôle décisif et positif, c’est vers eux que vont se tourner les collaborateurs et collaboratrices mis·es d’office au télétravail, qui en temps normal n’auraient pas été volontaires. Les outils de messagerie instantanée sont très utiles dans cette période, pour manifester une présence quotidienne, échanger sur des aspects opérationnels mais aussi, informer sur la durée du télétravail. « Dire plutôt que taire le fait qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer est déjà rassurant », note Xavier de Mazenod.
Communiquer aussi auprès des personnes non éligibles au télétravail
En parallèle, « il s’agit de communiquer auprès des personnes qui ne sont pas éligibles au télétravail en leur faisant comprendre qu’elles ne sont pas discriminées », recommande-t-il. Ce dispositif n’est en effet ni une récompense ni une punition, juste un mode de travail. Il convient aussi de leur expliquer qu’étant non éligibles au télétravail, ces salarié·es verraient cesser leur activité en cas de mesures de confinement, jusqu’à nouvel ordre.
Une crise, une opportunité de mise en place du télétravail
Nombre de livres de management y font référence, des idéogrammes, chinois, ironie du sort, décrivent l’opportunité qu’il y a dans chaque crise : 危 (wēi, le danger) et 機 (jī, le point de basculement ou moment décisif) forment le mot crise ; le basculement devient une chance lorsqu’il est associé à 会 (huì) : 機会 = opportunité. En 2019, la deuxième édition de l’étude Malakoff Médéric Humanis sur le télétravail révélait que 44% des managers craignaient qu’il n’entraîne la perte d’une partie de leurs responsabilités, et que 79% des dirigeant·es voyaient dans ce dispositif un facteur de plus grande efficacité au travail. L’urgence générée par l’épidémie de Covid-19 balaye les derniers freins. Elle devrait mettre au jour des opportunités de repenser le travail.
Dans la gestion de cette crise, les RH et les managers, soutenu·es par la DSI, jouent un rôle de premier plan.
Sophie Girardeau
Publié le 13 mars 2020, mis à jour le 14 mars 2020.