Recruter pour la première fois : l’évaluation en face-à-face
Le candidat saura-t-il répondre aux enjeux du poste, d’un point de vue technique et comportemental ? S’en assurer est le but de l’évaluation en entretien.
Face à vous, le candidat dont le CV a retenu votre attention et que vous avez contacté il y a quelques jours. À l’esprit, deux questions : ce candidat peut-il relever les enjeux de la mission ?, peut-il s’intégrer dans l’équipe et s’entendre avec le manager ? Pour pouvoir y répondre, « il faut réfléchir au poste et à tout son écosystème et donc au préalable, s’être interrogé sur la raison de ce recrutement, insiste Marie-Camille Liger-Belair, directrice associée d’Electeam (Groupe Finaxim), une réflexion trop souvent négligée par les entreprises ».
Au téléphone d’abord, un entretien le plus ouvert possible pour que le candidat ne réponde pas qu’en fonction du poste
L’entretien téléphonique vous a permis de vérifier qu’en termes de prétentions salariales et de mobilité géographique, le candidat est « dans la plaque ». Vous avez aussi sondé son degré d’ouverture par rapport à ses propres critères de sélection. « Que le candidat ait postulé ou que vous l’ayez chassé, soyez le plus ouvert possible lors de cette discussion, pour éviter qu’il ne réponde qu’en fonction du poste », conseille notre interlocutrice. En le laissant parler, en lui demandant quels sont ses souhaits d’évolution professionnelle, vous laissez le candidat se positionner lui-même. Prenez le temps d’installer un véritable échange (20 minutes environ) et si vous hésitez au moment de décider de le rencontrer ou non, « mettez-vous dans sa peau, pour imaginer ce que vous feriez à sa place », suggère-t-elle.
Quand ça ne colle pas en face-à-face, un timing minimum de courtoisie est souhaitable
Face à vous, donc, le candidat. Ce n’est pas lui, vous dites-vous au bout d’un quart d’heure, prêt à clore l’entretien. Au lieu de l’abréger, faites-le durer, par correction et parce que quinze minutes sont insuffisantes pour recueillir la matière qui permet d’évaluer quelqu’un. Certains opérationnels l’écourtent sans états d’âme, « c’est très mauvais pour l’image employeur », prévient Marie-Camille Liger-Belair.
Une posture bienveillante et neutre
Mais c’est peut-être lui et vous partez pour un échange d’environ une heure. On recueille beaucoup plus d’informations de la part de quelqu’un en le mettant à l’aise plutôt qu’en le crispant, créez donc les conditions favorables à un échange constructif. On ne parle pas de fausse décontraction ou de familiarité mais d’une attitude neutre et bienveillante, dans l’écoute, une écoute active.
Des questions pour ouvrir, d’autres pour préciser et pouvoir comparer les réponses
La qualité et la quantité d’informations que vous recueillez dépendent aussi des questions que vous posez. « Ouvertes, non directives, elles aident le candidat à s’exprimer, commencez par ce type de questions », conseille notre interlocutrice. Pour creuser les points qui vous intéressent plus particulièrement, passez à des questions plus précises, par exemple sur la façon de manager, ou les raisons d’un départ, celles d’une réussite ou d’un échec… « Puis, invitez à approfondir encore un point avec une formulation la plus ouverte possible », ajoute-t-elle.
Rencontrer plusieurs candidats à la suite est fréquent, et comme on ne peut comparer que ce qui est comparable, posez à tous les mêmes questions relatives à vos critères clefs, sans quoi vous n’aurez pas les bons éléments de comparaison.
Plusieurs grilles de lecture
En entretien on évalue des savoir-faire, un savoir-être, une personnalité, un type d’approche intellectuelle (abstraite, pragmatique, créative, etc.), on cherche à obtenir des informations sur une stratégie, sur des résultats ou une équipe… On en reçoit une quantité, de façon directe et indirecte. « Il faut plusieurs grilles de lecture pour parvenir à avoir une information la plus concrète possible », note Marie-Camille Liger-Belair.
Développez votre sens de l’observation en étant attentif au langage verbal, au non-verbal, au para-verbal. Le candidat peut être dans l’ouverture, la réserve voire le retrait ; son discours être concis ou volubile, structuré, clair ou confus, etc., « tous ces éléments donnent des indications sur sa façon de se positionner au niveau relationnel et forment un ensemble d’informations à prendre en considération », poursuit-elle.
Votre instinct vous parle aussi. En tenir compte est humain, d’autant plus si vous êtes amené à côtoyer la personne quotidiennement – on se lève le matin pour aller travailler avec des gens, pas avec des compétences. Mais il ne s’agit pas de vous y arrêter, « pensez aussi en termes de culture, celle du candidat, celle de votre entreprise, surtout en TPE où l’on est tout le temps ensemble ».
L’exercice demande de faire preuve d’énormément d’écoute. Il s’agit de combiner une évaluation méthodique, presque scolaire, en classant les aspects techniques, comportementaux, relationnels, les motivations, les freins…, d’écouter, un peu, votre feeling et d’envisager le risque lié à la décision d’écarter ou de sélectionner un candidat. Il contient une part de renoncement qu’il faut accepter.
Assumer son choix et son risque
Vous arrivez au bout du processus de recrutement avec une matière certaine recueillie au cours de plusieurs entretiens, de plusieurs candidats. Grâce à elle, vous pouvez voir les synergies et les écarts avec ce que vous cherchez et selon votre tempérament, vous pêcherez peut-être par excès d’indulgence ou de sévérité. « Prêtez attention aux zones de risque plus importantes que les capacités du candidat. La difficulté réside dans l’évaluation des faiblesses d’une candidature par rapport au poste et le risque le plus courant est de minimiser les points négatifs », conclut Marie-Camille Liger-Belair.
Sophie Girardeau