Marque employeur : se différencier avec de vraies valeurs

Marque employeur : se différencier avec de vraies valeurs

Une valeur ne se décrète pas, elle se manifeste en vivant au travers des femmes et des hommes de l’entreprise.

Penser « attractivité », « fidélisation », « engagement », « marque employeur », conduit les entreprises à penser à leurs valeurs, c’est-à-dire à ce qui fait bouger les gens. Une valeur ne se décrète pas, elle se manifeste. Pour être différenciante, elle n’a pas à être « originale » au sens « hors du commun », elle doit vivre au travers des femmes et des hommes de l’entreprise. « On ne peut pas faire valoir l’éthique, la solidarité ou le respect si, au sein de l’entreprise, on pratique la discrimination raciale ou de genre par exemple », illustre Jérôme Guibourgé, designer et sémioticien, coauteur de Valeurs : aux fondements de la sémiotique.

Des valeurs pour quoi faire ?

« Derrière tous nos actes il y a des valeurs, toutes les Sciences humaines sont d’accord là-dessus », souligne notre interlocuteur. Situées au plus profond de nous (les sémioticiens parlent de niveau axiologique), ce sont nos valeurs qui nous font travailler tard le soir, bâtir des cathédrales, explorer l’espace… Très prosaïquement, ce qui nous fait choisir de rouler en Citroën plutôt qu’en Renault, d’acheter Pepsi plutôt que Coca, de soutenir le Secours populaire plutôt que la Croix-Rouge, ou inversement, c’est la valeur qu’on accorde à l’entreprise, au produit/service et à sa marque. « Penser que dénommer des valeurs au hasard et les imposer aux personnes sera plus facile que d’identifier celles qui sont propres à son entreprise, est une erreur », poursuit-il. Car ce sont elles, encore, qui enflamment les foules et conduisent aux grèves et aux révolutions. C’est dire leur force. Imaginons les troubles que peut engendrer le fait de traiter le sujet superficiellement, d’ignorer les valeurs ou de les bafouer. Dans le monde du travail, ils ont pour noms « perte de motivation », « désengagement »,
« défiance », « mal-être », « burnout »…

Trois niveaux sur lesquels travailler pour les faire émerger

Pour que les valeurs que l’entreprise invoque ne deviennent pas « une sorte de simulacre », il faut éviter de les copier-coller, et les chercher là où elles sont : dans les hommes et les femmes de l’entreprise. Cela passe par un travail qui consiste à repérer leurs manifestations à plusieurs niveaux. « En sémiotique, on en repère trois : à la superficie, celui de l’expression, en-dessous, le niveau thématique et plus profond, le niveau axiologique, celui des valeurs », explique Jérôme Guibourgé. Un repérage similaire est possible avec la sociologie, ou avec l’anthropologie d’entreprise qui parle de culture (cf. les travaux de l’anthropologue et psychanalyste Marc Lebailly qui a utilisé en partie la pensée de Claude Lévi-Strauss). De même qu’avec la psychologie qui utilise d’autres termes pour différencier ces niveaux : les comportements (que cherche à modifier le marketing), les attitudes (plus difficilement modifiables) et les valeurs (auxquelles on ne touche pas impunément).

Construction collaborative ou adhésion

Pour faire émerger les valeurs les plus communes possibles, il convient de faire participer l’ensemble des collaborateurs à cette démarche, ou de les faire adhérer. « Le temps que cela prend dépend de la taille et des étages de l’entreprise », note Jérôme Guibourgé. Avec des filiales à l’étranger, l’exercice est plus complexe car les différences culturelles demandent un décryptage. « Dans un groupe international, la même valeur – disons, le respect – est présente dans chaque pays mais elle n’est pas exprimée de la même façon. Au Japon par exemple, on ne prend pas une poignée de main pour une marque de respect comme en France », développe-t-il.

Chartes graphique et éditoriale, langage : des outils de gestion des valeurs

Après le repérage, vient l’analyse des différents discours de l’entreprise : parlés, écrits ; ceux du directeur général, du marketing et de la communication, du commercial… « On analyse les mots et les images, on repère les différentes thématiques et axiologies », poursuit Jérôme Guibourgé. Ces dernières, en renvoyant à l’axe et à ses deux bouts, rappellent que les valeurs fonctionnent toujours par deux : la réussite / l’échec ; le bien / le mal ; l’innovation / la tradition… Les valeurs sont dans les hommes et les femmes mais peuvent être déposées dans les objets pour faire en sorte que le public (candidat, consommateur, partenaire, concurrent…) les repère. « D’où l’importance de la charte graphique, de la charte éditoriale et du langage, qui sont des outils de gestion des valeurs et de leur expression », pointe-t-il.

Faire vivre les valeurs les soumet à l’épreuve de la réalité

Pour qu’elles soient manifestes, il faut que chacun se reconnaisse dans les valeurs prônées par l’entreprise, sachant qu’elles sont rarement exprimées de façon explicite. Si la solidarité est une valeur de telle entreprise, on peut davantage entendre parler en son sein d’entraide ou de bienveillance que de solidarité.

Virtuelles, les valeurs ont une réalité pure – elles sont aussi une exigence, une promesse. Les affaires qui compromettent certaines entreprises, ou leurs décisions mal comprises du public ou de leurs collaborateurs, font penser que la promesse n’a pas été tenue ou que leurs valeurs sont mensongères ou qu’elles ont disparu.
« Dès qu’on cherche à faire vivre une valeur, elle s’use, elle est altérée par la réalité », explique Jérôme Guibourgé. Une valeur, c’est humain.

Sophie Girardeau

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